Luc Frieden apparaît lundi sur un cliché diffusé sur X (anciennement Twitter) par un responsable du protocole du gouvernement néerlandais. C’est à lui que le Premier ministre sert la main, les pieds sur le tapis rouge qui lui a été déroulé sur le tarmac. La scène se passe devant un garde de la maréchaussée royale sabre en main, sous les yeux de l’ambassadeur du Luxembourg aux Pays-Bas, Mike Hentges, et (surtout) avec pour fond un jet privé.
Renseignements pris sur Flightradar24, le Premier ministre s’est rendu à une visite de travail auprès de son homologue néerlandais, Mark Rutte, avec un avion de la compagnie allemande E-Aviation, un Cessna Citation Jet. Ce alors que des vols commerciaux décollaient vers les Pays-Bas le même jour, dont un à 10h50 pour Amsterdam.
Cela ne convenait pas au Premier ministre qui s’est envolé à 10h21 vers l’aéroport de La Haye-Rotterdam et une réunion prévue à 11h. Luc Frieden avait avant cela présidé le Conseil de gouvernement, avancé au lundi pour adopter le projet de budget. « Il a donc opté pour un avion dit militaire dans le cadre des arrangements entre l’armée luxembourgeoise, European Air Transport Command (EATC), et les ministères de la Défense belge et néerlandais », nous explique son cabinet. Avant que nous le sollicitions, le ministère d’État avait communiqué le contenu de la visite : « Les deux chefs de gouvernement ont convenu d’une coopération renforcée sur divers sujets, notamment dans le domaine des énergies renouvelables, y inclus l’hydrogène ». L’ironie ne s’arrête pas là. De passage au micro du podcast de Gëlle Fro lors de sa campagne électorale, Luc Frieden avait plaisanté sur un stéréotype associé à la nationalité de son épouse. Puisqu’elle est « hollandaise », il voyagerait en classe éco. « Il se présente pour à nouveau voler en business », avaient réagi les deux trublions de l’interview politique (d’Land, 25.08.23).
Mercredi, le Premier ministre a filé vers la Roumanie où il voyait notamment le président Klaus Iohannis et assistait ce jeudi au congrès de sa famille politique européenne, l’EPP. Cette fois encore, Luc Frieden a voyagé en jet. Cette fois encore sur les crédits militaires EATC. Son cabinet précise qu’il lui fallait revenir vite car il intervenait dans la soirée à la Chambre des métiers.
À l’inverse de ses successeurs au ministère des Finances, Luc Frieden a eu un recours régulier à l’aviation commerciale privée. Il n’était pas le seul du gouvernement Jean-Claude Juncker, lui-même peu exemplaire en la matière avec 160 000 euros dépensés sur ses derniers mois à l’Hôtel de Bourgogne. Depuis 2021, les ministres ont allègrement tapé dans la bourse EATC, des crédits militaires un peu abstraits, mis à disposition en échange de contributions financières bien concrètes, payées par le contribuable. Il n’existe aucun registre public des recours à l’aviation commerciale privée pour les ministres, pas de règlement y afférent et pas même de consigne politique. Est-ce que cela va changer ? La question reste ouverte. Telle n’était pas la priorité des cent jours.
L’utilisation des jets privés à un coût financier, mais aussi bien sûr un coût environnemental. Sur sa page d’accueil, la compagnie E-Aviation propose une compensation des émissions carbone du vol, en soutenant financièrement des « Klimaschutzprojekte » européens, entre 25 et 35 pour cent du coût du vol. Aucune compensation carbone n’a été effectuée, informent les services de Luc Frieden. « Mais les autorités compétentes sont en train d’analyser les possibilités d’y recourir », complètent-ils. Au-moins ça.