Selon des propos tenus par le Premier ministre à la suite du récent Logementsdësch : « Le pays a besoin de construire annuellement 6 000 logements pour loger convenablement les quelque 12 000 nouveaux habitants qui s’y installent tous les ans » ; il est dès lors permis de dire qu’il s’agit là d’un nouvel objectif officiel de la politique luxembourgeoise du logement.
Concrètement, achever 6 000 logements par an suppose d’augmenter le rythme de construction annuelle de près de 65 pour cent par rapport à la période 2014 et 2020 (3 682 logements achevés par an en moyenne). Au moins deux séries de contraintes concourent à rendre cette tâche particulièrement difficile.
Il y a d’un côté des contraintes matérielles : le manque de main-d’œuvre qualifiée, le manque de demande solvable aux prix et taux d’intérêt actuels, l’obligation de respecter des normes (minimales) de sécurité et d’urbanisme, la problématique des gravats et des décharges, etc.
De l’autre, il y a des contraintes sentimentalo-politico-légales : le Not-In- My-BackYard-isme d’une partie importante de la population qui estime avoir payé très cher un cadre de vie et une (promesse) de faible densité, l’autonomie communale et le pouvoir des bourgmestres en matière d’autorisation de construire1, les engagements luxembourgeois de préservation de l’environnement, l’attachement des résidents au caractère « champêtre » de certains lieux, la probable opposition des architectes contre une industrialisation/uniformisation poussée de la construction de logements qui permettrait de construire plus rapidement mais leur enlèverait des degrés de liberté en matière de créativité, la probable opposition des constructeurs, artisans et syndicats locaux contre le recours croissant aux entreprises étrangères de construction et/ou aux préfabrications importées, la probable opposition des protecteurs de la nature attachés à la réduction de l’artificialisation du sol en cas de velléités d’édification de nouvelles villes sur des terrains actuellement non-constructibles, l’attachement à la sacralisation de la propriété privée, l’« excuse » des terrains conservés pour ses futurs petits enfants, etc.
Les embûches sur la route vers l’ambitieux objectif de 6 000 logements étant légion, certains concluront qu’il est hors d’atteinte ! L’avenir dira s’ils auront eu raison de douter. Ce qui est cependant d’ores et déjà certain, c’est que le Grand-Duché est l’un des rares pays de l’UE où le stock de logements par habitant a reculé sur la dernière décennie et qu’un pays ne peut afficher dans la durée un nombre de logements construits annuellement inférieur au nombre de ménages supplémentaires ! Autrement dit, si le Luxembourg ne parvient à devenir cet État (sur)bâtisseur qu’il envisage d’être, la croissance démographique devra(it), en toute cohérence, ralentir ou le sans-abrisme et le mal-logement gagner significativement en importante !