Apple

Apple ouvre la porte aux bitcoins

d'Lëtzebuerger Land du 06.06.2014

La firme à la pomme a publié cette semaine de nouvelles règles relatives aux applications de l’App Store qui signalent une position plus nuancée que jusqu’ici sur les cryptodevises. Les experts et fans de ces devises alternatives, tout en saluant cette inflexion, se montrent circonspects.

Jusqu’ici, il était impossible pour le propriétaire d’un iPhone d’y installer un portefeuille électronique comme Blockchain, qui permet de gérer des bitcoins (à vrai dire, Blockchain était passé entre les mailles du filet, restant disponible pendant quelque deux ans alors que toutes les autres applications comparables étaient rigoureusement écartées. L’App Store avait par la suite réparé ce qui avait sans doute été un oubli). Même les applications qui acceptaient des paiements en bitcoins étaient bloquées par l’App Store. Cette politique était évidemment assez pénalisante pour ceux voulant explorer les possibilités offertes par l’utilisation nomade de bitcoins comme moyen de paiement depuis leur iPhone, en plus d’être irritante car pas vraiment expliquée. La décision d’Apple d’autoriser désormais des applications de type « wallet » qui permettant de gérer, de dépenser et de recevoir des cryptodevises – pour peu qu’elles soient conformes à la loi – marque donc un tournant notable, compte tenu de l’importance du parc mondial d’iPhones.

De même que l’on ignorait les raisons qui poussaient Apple à bannir les portefeuilles pour cryptodevises, on ne peut qu’émettre pour l’heure des conjectures sur ce qui a provoqué ce changement d’attitude. Compte tenu du caractère assez marginal de la communauté des utilisateurs de bitcoins et autres devises électroniques alternatives, il est peu probable que ce soit leurs protestations ou leurs pétitions qui l’aient causé. Encore moins les démonstrations bruyantes de leur frustration, puisque les plus en colère se sont filmés en train de détruire leur iPhone, l’un d’eux à l’aide d’une carabine. Certains supputent que l’adoption du Bitcoin par certains comptoirs en ligne prestigieux a fait craindre à Apple de rater ce train et de prendre un retard considérable par rapport au principal système d’exploitation pour smartphones rival, Android, dont la boutique d’applications est ouverte aux applications de paiements en bitcoins.

Le mécontentement de certains développeurs de portefeuilles pour Bitcoin à l’égard d’Apple est tel qu’ils ont annoncé qu’ils boycotteraient à l’avenir l’App Store comme l’App Store les a ostracisés jusqu’ici. Il faut dire aussi que, faute d’explications, il est légitime de craindre un nouveau retour de manivelle. D’autres se montrent plus conciliants, sans doute alléchés par ce marché non négligeable qui s’ouvre de manière inespérée, et se préparent à produire des versions iOS de leurs applications.

Indépendamment du confort qui résultera de ce changement d’attitude d’Apple pour ses clients mobiles, celui-ci dénote une nouvelle avancée du bitcoin en matière d’acceptabilité. La publication spécialisée TechCrunch estime que l’interdiction qui prévalait jusqu’ici reflétait le caractère sinon illégal du bitcoin, du moins son appartenance à une zone grise, du fait que la devise n’était pas explicitement reconnue par les autorités américaines. Une attitude exagérément prudente, peut-être encouragée par des déclarations ponctuelles de certains représentants d’instituts d’émission dépeignant la cryptodevise sous des traits quasi-diaboliques.

L’agence financière Bloomberg a cité un investisseur engagé dans le portefeuille pour bitcoins BitGo, Bill Lee, selon lequel la décision d’Apple est « un signe que l’écosystème est en train de mûrir et d’acquérir de la crédibilité. À vrai dire, je pense que le bitcoin en est encore à ses débuts en tant que technologie, mais que son acceptabilité tend à s’étendre de plus en plus au mainstream ». Un autre investisseur féru de bitcoins, Adam Draper, a dit à Bloomberg qu’il fallait à présent se préparer à voir débouler une « pléthore d’applications iOS pour bitcoins ».

Jean Lasar
© 2024 d’Lëtzebuerger Land