Politique de banques centrales

Enjeux pour les actifs financiers

d'Lëtzebuerger Land du 22.09.2017

Les prochaines années seront probablement marquées par une normalisation des politiques monétaires. Les banques centrales vont continuer à diminuer les achats d’obligations et même baisser la taille de leur bilan et graduellement augmenter les taux directeurs (surtout aux États-Unis). Les rendements obligataires devraient anticiper cette tendance au cours des prochains mois. Quel serait l’impact de la remontée des taux de rendement pour les principales classes d’actifs ?

Pour les investisseurs obligataires, le défi est important. En effet, une progression des taux de rendement implique une baisse d’attractivité des obligations existantes et devrait mener à des baisses de prix. Le niveau très faible des coupons ne suffira pas toujours à compenser cet effet ce qui implique un risque de pertes en capital pour les investisseurs. Ceci est surtout vrai pour ceux ayant investi en obligations gouvernementales de haute qualité et de longue maturité. Diverses obligations d’entreprises offrent encore des opportunités, mais elles se font plus rares.

Certains fonds de gestion alternative offrent une protection contre les effets d’une hausse de taux d’intérêt, et peuvent même en profiter via des stratégies de niche. La volatilité est dans certains cas comparable à celle de portefeuilles obligataires.

Les marchés actions devraient continuer à profiter d’un contexte de reprise économique mondial et d’un environnement de « recherche de rendements ». En effet, même si les taux d’intérêt et taux de rendement obligataires devraient inverser leur tendance baissière de manière durable, la hausse sera probablement très graduelle. La première phase de la remontée des taux directeurs des banques centrales reste en général assez bénéfique pour les marchés boursiers. Ceci est moins vrai pour les marchés émergents qui sont à risque surtout par rapport aux taux américains. Certaines études1 suggèrent que l’environnement pourrait toutefois se détériorer une fois que les taux directeurs auront dépassé le taux « naturel » ou taux d’équilibre.

Ce taux est un concept théorique et difficile à calculer. Il représente le taux qui serait approprié dans un contexte de taux d’utilisation des capacités de productions élevés mais compatible avec la stabilité des prix. Aux États-Unis, différentes estimations récentes suggèrent un niveau de taux d’intérêt naturel réel (en excluant l’inflation attendue) aux environs de 0,5 pour cent. Dans l’hypothèse où l’inflation serait de deux pour cent, le taux naturel nominal serait de 2,5 pour cent contre un taux directeur actuel à 1,25 pour cent. Si l’on suit cette logique, il resterait donc encore une certaine marge à ce stade.

Au vu de cette analyse et de la valorisation actuelle, les marchés actions ayant le meilleur potentiel de hausses sont l’Europe et le Japon (avec couverture de la devise). Nous sommes toutefois d’avis que la volatilité sur les marchés boursiers devrait augmenter au cours des prochains mois et que des corrections temporaires restent probables.

L’or offre toujours des opportunités de diversification dans un contexte d’incertitude géopolitique. Il est vrai qu’une hausse de taux d’intérêt réduit l’attractivité de l’or, car elle fait augmenter le coût d’opportunité d’être détenteur du métal jaune (investir en or implique de renoncer au revenu de taux d’intérêt). Il faut toutefois distinguer si la hausse de taux proviendra d’une hausse de l’inflation attendue ou d’une hausse des taux d’intérêt réels. Dans un contexte de hausse de taux d’intérêt via l’inflation, l’or devrait rester attractif.

Un argument similaire est de mise pour les investissements dans l’immobilier. Si la hausse de taux d’intérêt est principalement liée à l’inflation, cette classe d’actif devrait continuer à bien performer. En effet, les loyers sont souvent indexés et ceci permettrait de couvrir au moins partiellement le risque d’inflation. Le risque principal est une forte hausse des taux d’intérêt réels. Ceci semble néanmoins peu probable dans le contexte actuel, surtout en Europe. La sélectivité reste importante dans le contexte actuel.

*L’auteur est chief investment officer pour la gestion de fortune auprès de BGL BNP Paribas

1 BCA Research (2013): Stocks And The Fed Funds Rate Cycle, US Investment Strategy, Special report

Guy Ertz
© 2024 d’Lëtzebuerger Land