Jacques Lorang n’est jamais à court d’idées. Cependant il les traite avec patience, l’une après l’autre. C’est peut-être là une des recettes à succès de cet entrepreneur autodidacte. Il a récemment vendu son entreprise de e-commerce, le supermarché en ligne Luxcaddy, et s’est soudainement retrouvé, après deux décennies de boulot acharné, avec un peu de temps sur les bras. Pour la première fois depuis ses vingt ans.
S’il aime passer une partie de ce nouveau temps libre dans sa maison, un bijou architectural que sa femme et lui ont largement contribué à dessiner, chômer n’est pas une option pour ce quadra multi-talent. Le processus de décoration de la maison l’a justement mené à s’intéresser de près à l’architecture intérieure et au design. « De là à fonder ma propre marque de design, ce n’était pas forcément prévu, mais la passion ne m’a pas lâchée », rit-il. Surtout que Jacques Lorang, cultive un enthousiasme profond pour l’apprentissage continu. Il a identifié un moyen pour combiner le design à des technologies qu’il oberve depuis presque dix ans : l’impression 3D, le Computerized Numerical Control (CNC) machining et la découpe au laser. « L’impression 3D m’a intéressé très tôt. J’ai commencé par m’amuser en produisant des petites pièces fonctionnelles, comme un adapteur pour aspirateur ou des subdivisions pour tiroirs. Au fur et à mesure de mes progrès, j’ai élargi mon répertoire ». Finalement Jacques a même produit et assemblé les pièces pour sa propre fraiseuse CNC pour laquelle il écrit bien sûr les programmes.
Dans son atelier au sous-sol, il assemble les pièces imprimées avec une méticulosité. Il fait preuve d’un attachement au travail manuel de qualité. « Après 25 ans passés à programmer, à créer de la valeur virtuelle, je savoure de pouvoir travailler avec les mains. Donner vie à des objets fonctionnels me procure une incroyable satisfaction », explique Jacques, installé sur une des chaises Eames qui ont contribué à forger intérêt pour le design. « Je suis conscient que, issu de la tech, je viens d’une filière différente à la base. Dans la palette diversifiée de types de créateurs, je ne me considère vraiment pas comme un artiste. C’est le design des matériaux et de la technologie qui m’intéressent. » Le travail de Marcel Breuer le fascine comme étant un exemple de design guidé et en même temps contraint par le processus de production. Il observe notamment les expérimentations de Breuer avec des tuyaux en métal qu’il arrivait à plier machinalement. « Je suis intrigué par les possibilités que les nouvelles technologies m’accordent, et en même temps par les limites qu’elles imposent. Le fait par exemple que je dois composer, pour des raisons techniques, avec des pièces d’un certain volume maximal est un défi. Simultanément, cette limite me procure un cadre qui devient un terrain de jeu pour la créativité ». C’est dans ces espaces que Jacques poursuit sa quête esthétique, avec une attention particulière accordée aux jeux de l’ombre et de la lumière.
Son premier modèle de luminaire, Spirum, est disponible en deux hauteurs et en deux couleurs de câbles. L’ampoule LED peut être changée de façon autonome, contrairement à d’autres lampes design, afin que le client puisse peaufiner le produit à son goût. « Je suis assez perfectionniste, également en tant que consommateur. Je pars du principe que mes clients aussi désirent apporter leur propre touche pour que le produit s’intègre le plus parfaitement possible dans leur intérieur ». D’autres modèles sont en cours de finalisation, une demi-douzaine de prototypes parsemant d’ores et déjà son salon. « Entre le dessin sur ordinateur, le premier assemblage test et la commercialisation, il y a de nombreuses étapes à franchir. D’abord je veux être certain de la fonctionnalité impeccable de l’objet, puis je pense certification, photos, marketing, packaging et logistique ». Son objectif est de nourrir régulièrement son offre avec de nouvelles créations qui apparaîtront progressivement sur son site. Pas de pièces uniques pour le moment, dans un désir de rester dans une gamme de prix abordables. « Je souhaite évoluer par mini-séries, mais chaque objet sera produit à la main, par moi-même. » Et, au-delà des lampes, en imaginant aussi des chaises, des tables basses et d’autres meubles, sans s’imposer aucune limite, au gré des solutions technologiques.