Arts plastiques

Nu ou nudité ?

Exposition à al Villa Vauban à Luxembourg
Photo: Marianne Brausch
d'Lëtzebuerger Land du 12.04.2019

C’est une exposition à la fois désuète et amusante, étrange mais instructive, qui est à voir actuellement à la Villa Vauban. À commencer par le titre Plakeg !. Un choix délibéré donc de la langue, le luxembourgeois, qui se veut sans doute sinon provocateur, du moins racoleur.

La représentation du nu ne choque plus personne. Aussi, quatre photographies grandeur nature devant des monuments de la ville de Luxembourg (le palais grand-ducal, le Cercle Place d’Armes par exemple) où l’on peut soi-même glisser la tête et se faire prendre en photo, est une idée plutôt amusante et sans doute la plus incongrue de l’exposition.

Car revenons au principal sujet de l’exposition, qui est le peintre Lovis Corinth. Cette exposition est d’ailleurs une coproduction de la Villa Vauban avec le Landesmuseum Hannover, qui possède la collection la plus importante d’œuvres du peintre, dont une grande huile sur toile de 1896 qui a été acquise par le musée en 2016, après qu’elle a été restituée à la famille juive qui en avait été spoliée par les nazis. Cette grande huile sur toile Bacchanale, est une œuvre qui fait référence à l’admiration de Lovis Corinth pour Rubens, mais surtout une représentation « à l’Antique » du nu et allégorique à la manière « pompier » d’un Pierre Puvis de Chavannes, qui justifie le sous-titre de l’exposition : Le nu autour de 1900.

Lovis Corinth, né à Tapiau en Prusse orientale en1858, est mort au cours d’un voyage aux Pays-Bas en1925, où il s’était rendu pour revoir Rembrandt et Frans Hals. Corinth est donc un peintre allemand du tournant du XIXe-XXe siècle, qui connut le succès durant sa carrière. Ce fut aussi un « activiste » engagé de la peinture de son temps : en 1901, il devint un membre actif de la Sécession berlinoise avec son ami le peintre Max Liebermann. Mais avant cela, il fut (peut-être surtout), membre de la Sécession munichoise, créée en 1892-93. Quelques œuvres de ses amis et membres de l’association Max Slevogt et Albert Weisgerber sont d’ailleurs également à voir dans l’exposition.

Disons-le d’emblée : Lovis Corinth dans son choix des scènes mythologiques, avec ses étranges représentations de nus et de guerriers associés, sans parler de femmes à l’expression peu avenante, même coiffée d’un chapeau ( !) ne nous a pas vraiment séduite, à part ses lithographies rehaussées de couleur, issues du cycle « Au paradis » réalisé en 1921. Elles sont pleines d’allant, libres et vibrantes.

Ses amis Max Slevogt et Albert Weisgerber, même si Corinth fut un lithographe et graveur intéressant, nous semblent être des peintres supérieurs (ces tableaux proviennent du Landesmuseum Mainz et de la Albert-Weisgerber-Stiftung St. Ingbert. Weisgerber a peint en 1910 Miss Robinson, certes moins scandaleuse que L’Olympia de Manet mais d’autant plus réaliste. Le Nu allongé avec ombrelle de Slevogt, peint en 1900, nous paraît délicieusement amoureux. Slevogt s’est par ailleurs essayé vers 1924 à plusieurs représentations du corps par rapport aux dimensions données de la toile et Weisgerber propose une série de nus masculins en 1912, qui relèvent de toute évidence du meilleur de l’expressionnisme allemand.

La partie plus « scientifique » ou « didactique » de l’exposition, nous rappelle que la représentation du nu, masculin d’abord puis plus tard féminin, fut longtemps un sujet limité à l’étude de la morphologie dans les ateliers des écoles des beaux-arts. On notera à ce sujet une mise en valeur des muscles dans l’effort dans deux photographies où les hommes sont présentés en atlantes et les femmes en caryatides… C’est franchement drôle car tellement « recherché ».

Dans la section du nu vu par des artistes luxembourgeois (dans des œuvres appartenant à la Villa Vauban ou d’autres collections nationales et privées), on retrouve (bien sûr) le talent pictorialiste photographique d’Edward Steichen, une délicate Frileuse du sculpteur Claus Cito recroquevillée sur elle-même, une peinture, Nu assis d’Auguste Trémont que l’on connaît plus pour ses représentations animalières qui n’ont pas le regard tentateur de cette dame... Sans oublier le magnifique Nu couché (1919) de Joseph Kutter. Le terme plakeg y prend le sens que l’on aime : le talent du peintre qui représente le corps de la femme aimée si vivant. Avec la robe rouge jetée sur une chaise, le drap clair défait, les mules bleu turquoise négligemment abandonnées. Marianne Brausch

Plakeg !, Le nu autour de 1900, est à voir à la Villa Vauban jusqu’au 16 juin prochain. Ouvert du mardi au dimanche de 10 à 18 heures, nocturne le vendredi jusqu’à 21 heures. Fermé le lundi. Toutes les informations sur et autour de l’exposition : www.villavauban.lu

Marianne Brausch
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