Corinne Kox-Sunnen et Yves Sunnen

Le nectar des vignerons

d'Lëtzebuerger Land du 23.03.2012

Le vin, Corinne Kox-Sunnen et Yves Sunnen sont tombés dedans quand ils étaient petits. Depuis cinq générations, le vignoble Sunnen-Hoffmann s’étend sur les pentes de la vallée de la Moselle autour de Remerschen, dans une réserve naturelle protégée au microclimat généreux. Leur terroir, dans lequel sont plongés leurs racines et celles de leurs pieds de vignes, ils en sont fiers. Leur philosophie : « produire des vins dans le respect de la nature, afin que ceux-ci reflètent toujours la typicité du terroir et du cépage ». Le style de leur vin ? « Finesse, élégance, typicité, individualité ».

Les études de viticulture coulaient de source pour Yves Sunnen, le fils de vigneron, tandis que sa sœur Corinne Kox-Sunnen fit des études de relations publiques. Tous les deux ont travaillé dans l’entreprise familiale, lui comme vigneron, elle dans l’administratif et le commercial. Depuis la reprise du domaine à la mort de leur père en 2000, le duo a décidé de se lancer dans une nouvelle aventure, pionnière pour le Luxembourg : la viticulture biologique.

À l’époque, ils vinifiaient entre autre des raisins de viticulteurs allemands, dont il était difficile de contrôler l’apport en pesticides et en engrais. Adeptes de la nourriture biologique et soucieux de la qualité de leur produit final, ils ont décidé de cultiver leur propre raisin à la manière biologique. Ainsi, de la production à la vente, le cycle est complet et contrôlable. Le passage au bio fût un processus de longue haleine et non sans obstacles. À commencer par l’agrandissement des parcelles, leur regroupement, afin de garantir leur éloignement des parcelles des viticulteurs traditionnels. L’achat de nouveaux vignobles et l’échange avec les voisins se passait assez bien, même si certains les regardaient de travers. « Dites, ils font quoi, vos patrons-là ? », demandaient les dubitatifs à leurs ouvriers.

Mais l’image hippie de l’agriculture biologique des années ’70, adeptes du laisser-faire de la nature, ne correspond en rien à la réalité de Corinne et de son frère Yves. Vêtue d’un costume noir et T-shirt blanc, un collier discret et élégant, Corinne Kox-Sunnen montre le chemin vers leur salle de dégustation. La pièce est aménagée comme une petite salle à manger. Des tables en bois, ornées de petits bouquets de fleurs, des chaises de bistrot. Les murs sont ornés de photos de la Moselle du temps où elle n’était pas encore canalisée, de leur vignoble, des pieds de vignes avec un tapis de sol en herbe. La simplicité du décor est accueillante. Yves Sunnen, décontracté en pullover et jean, s’enflamme lorsqu’il commence à parler de la viticulture biologique et biodynamique, nouveau procédé mis en place depuis 2011 dans leur domaine. Ils n’utilisent ni engrais chimiques, ni pesticides, mais un enherbement permanent, agissant comme engrais vert, les vers de terre améliorant le terreau, les techniques d’effeuillage. Les maladies de la vigne sont traitées à l’aide de soufre, de levure, le cuivre, des produits à base d’algues brunes. Tous ces procédés aident à renforcer la résistance de la vigne en respectant l’écosystème. En toute modestie, ils racontent leur aventure, les premières années un peu plus difficiles, la terre actuelle généreuse : cette terre ils l’ont cultivée, protégée, amadouée.

Le public n’était pas acquis d’office. Tout d’abord la réaction du patron de La Table des Guillou, qui lorsqu’il a appris de leur bouche, qu’ils allaient se lancer dans le vin biologique : « Ah, désolé, mais je ne prendrais plus de vin chez vous. » « Vous aimez le vin rouge de Bourgogne du Domaine de la Romanée-Conti et du Domaine Leroy ? » « Ah, oui ! » « Ils sont produits en culture biodynamique eux aussi. » « Ah, dans ce cas… » Une foire aux vins aussi, où un couple s’approche de leur stand et au dernier moment se détourne, en remarquant que c’est du vin bio.

Frère et sœur partagent leur passion, leur savoir-faire : En 2009, ils reçoivent le Bio-Agrar-Prais pour le lancement et la promotion de la viticulture bio professionnelle au Luxem-bourg. La reconnaissance auprès du public professionnel ne se fait pas attendre : plus d’une vingtaine de médailles depuis 2000 et cette année le Guide Hachette des vins 2012 leur a décerné trois étoiles et un « coup de cœur » pour le Riesling Domaine et Tradition Wintrange-Felsbierg 2010.

Portes ouvertes le 23-25 mars de 14 à 20 heures ; www.caves-sunnen.lu.
Catherine Jost
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