Quand on est jeune, tout est possible. C’est du moins ce que la génération des baby boomers et d’entrepreneurs de l’époque des Trente Glorieuses, soit en gros durant les cinquante années après la Seconde Guerre mondiale ont connu. À partir des années 1990, les choses ont commencé à changer. D’abord lentement, imperceptiblement, puis le temps s’est accéléré de manière exponentielle et aujourd’hui, on est pris de vertige.
Le monde – entendez l’état de la planète et les conditions de vie et de travail de la société post-industrielle – est arrivé à un stade où on doit envisager soit le pire, soit espérer que la génération des enfants actuels réinventeront leur existence.
C’est le portrait de ceux-ci que dresse Mikhail Karikis dans une installation composée pour l’essentiel de deux oeuvres (Ain’t Got No Fear et Children of Unquiet) au premier étage du Casino. L’espace d’exposition réaménagé, soit libéré de – presque – tout cloisonnement, s’y prête parfaitement bien, puisque Love is the Institution of Revolution est portée par le son, omniprésent : il émane de deux vidéos grand format qu’il faut prendre le temps de regarder, même si elles durent environ un quart d’heure, car elles sont le centre de de la « vision » de Karikis.
Les enfants, regroupés pour l’occasion d’une part en bande (Ain’t Got no Fear que l’on pourrait traduire par « même pas peur »), quand Children of Unquiet se passe d’interprétation, les voit regroupés à la manière d’un choeur antique.
Les uns investissent un site industriel anglais en démolition – le vrombissement des travaux fait trembler le sol du Casino –, les autres, son équivalent en Italie. Héritiers des ravers d’une part et de la tradition de l’opéra de l’autre, les enfants scandent ou donc chantent, jouent et lisent des textes sur ce qui pourrait être leur exemple à eux : l’organisation du monde des insectes, surtout pas la vie de leurs aînés, esclaves d’un productivisme qui a mené à leur aliénation et à la destruction de l’environnement construit et naturel.
Le talent de vidéaste de cet artiste grec de 42 ans, qui vit et travaille à Londres, est pétri de connaissances historiques, littéraires, musicales et s’il est bien de son temps (c’est à dire le nôtre), son art total, entendez l’ensemble formé ici par les vidéos, des installations (un Monopoly revisité, une bibliothèque d’ouvrages de réference du XXe siècle politiques, sociologiques, sociétaux), la photographie (les enfants masqués à la manière des ravers), l’écriture et le son bien sûr – magnifique « scratch » d’un vinyle qui tourne sur une platine et illustre la projection du récit du premier film muet italien, un opéra selon L’Enfer de Dante – donne à vivre lors de la visite au Casino, un moment de poésie qui donne le frisson.
Mikhail Karikis s’est emparé là d’un sujet crucial et il sait se servir de l’art comme un lanceur d’alerte.