Mane Hellenthal. Ganz oder gar nicht

Un lien spirituel

d'Lëtzebuerger Land du 17.03.2011

Dès qu’on franchit le seuil de la galerie du Château de Bourglinster, on est confronté à deux univers bien distincts et pourtant similaires : celui de Mane Hellenthal fait référence aux souvenirs, à l’enfance et aux contes de fées, celui de Nathalie Zlatnik au monde médiatique (Kill Bill, Elvis Presley, Isabelle Caro) et à la polémique du quotidien. Hellenthal accorde autant d’importance au détail qu’au hasard, Zlatnik peint dans un style plus expressif et gestuel, recourant aux traits larges et aux formes souvent réduites. Pourtant, en s’accordant un peu de temps et en déambulant dans l’exposition qui donne un aperçu global de la riche œuvre de chaque artiste, on découvre au fur et à mesure certaines concordances entre ces deux artistes si différentes au premier coup d’œil. Interrogée sur les parallèles, Mane Hellenthal met en évidence le « lien spirituel » qui existe entre les deux démarches artistiques, un lien souligné également par Nathalie Zlatnik.

Mane Hellenthal (née à Sarrebruck) crée des séries d’œuvres, reliées l’une à l’autre par des éléments répétitifs (la nappe à carreaux rouges et blancs p.ex.). L’une de ses techniques de prédilection est la marbrure, qu’elle conçoit comme un « produit du hasard ». Ainsi la forêt ou le paysage de montagnes richement colorés, constituant l’arrière-fond des tableaux de la série Provinzielle Bauwerke, sont réalisés grâce à ce procédé. L’artiste y ajoute des bâtiments au moyen de la peinture acrylique blanche. Certaines de ces constructions sont localisées au Luxembourg, comme par exemple le pont rouge et les trois pylônes d’émission de radio et télévision à Junglinster.

Une autre œuvre marquante de l’exposition est une cabane en bois dans laquelle Mane Hellenthal a aménagé des tableaux de petit format réalisés à la technique de la marbrure, des photographies, des piles de cadres en bois couverts de différents tissus et vêtements personnels ou encore une petite table avec une nappe rouge-blanche. Dans cette œuvre, l’artiste joue sur les souvenirs ; la multitude d’objets y exposés permet un flux continu de pensées. La mémoire et les souvenirs d’enfance sont également d’une grande importance dans la série de collages de tissus, Edelweissdekalog. Ici, l’arrière-plan est un assemblage de tissus, dont le motif fait référence à l’enfance. Mane Hellenthal y applique une deuxième couche de tissus, une ou plusieurs silhouettes noires, qui symbolisent « la menace et la peur ». Les souvenirs d’enfance rappellent à la fois la sécurité et la crainte et plongent le spectateur dans son propre passé, ses rêves et ses contraintes face à la réalité extérieure.

Les formes noires ou zones d’ombres des œuvres de Mane Hellenthal font le pont avec le travail de Nathalie Zlatnik. Née à Munich et ayant grandi à Ettelbrück, Zlatnik dessine des personnes avec de larges contours noirs ou brunâtres, qui ressemblent parfois au graffiti ou au manga et qui sont le fruit de réflexions intenses sur le monde appréhendé par l’artiste comme relevant à la fois « de l’horreur et de la beauté ». Dans certaines de ses œuvres, elle opère une réduction à l’essentiel des formes, les visages paraissant être des fantômes. La série de toiles de petit format, Ghosts, représente le « Duerchschnëttsmënsch », l’homme moyen. Sur chaque toile, l’artiste a peint avec de larges traits noirs, un peu farouches, le contour des yeux, de la bouche et du nez, parfois un menton ou un front.

Une partie de cette série est exposée à l’intérieur d’une vitrine dans laquelle l’artiste a également déposé des noix, les gants qu’elle porte pendant le processus de création et un de ses livres d’artiste. Parmi les photographies collées à l’intérieur de ce livre, l’artiste mentionne celles d’un comédien-pantomime parisien et ajoute qu’elle porte une grande admiration pour « les personnes capables de performances extrêmes ». L’attention que Nathalie Zlatnik porte aux personnages célèbres et au destin parfois tragique se reflète dans les portraits plus élaborés et vivement colorés du grand-duc, de Marylin Manson et d’Elvis. Le travail de Zlatnik met à nu le combat de l’artiste avec le monde extérieur et avec les nombreuses réflexions sur ce qu’elle voit. La réduction à l’essentiel apparaît alors comme tentative de répondre à la question du sens de la vie.

Ganz oder gar nicht – exposition de Mane Hellenthal et de Nathalie Zlatnik – deux parcours extraordinaires à voir jusqu’au 20 mars à la galerie du Château de Bourglinster, ouvert du mercredi au dimanche de 14 à 18 heures.
Florence Thurmes
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