Facebook Home

Facebook dépose un œuf de coucou dans Android

d'Lëtzebuerger Land du 12.04.2013

Le buzz suggérait que Facebook allait lancer un smartphone maison, mais avec Facebook Home, le réseau social numéro un s’est en réalité essayé à autre chose, que le magazine Wired a baptisé de « apperating system » : une entité bâtarde à mi-chemin entre le système d’exploitation et l’application. Présenté lors d’un événement réunissant Mark Zuckerberg, le CEO de Facebook, et ses homologues de HTC et d’ATT, Facebook Home est en réalité un smartphone de la famille Android, le HTC First, doté d’une couche applicative qui met en avant les notifications et publicités du réseau social au détriment des publicités servies par les applications Google préinstallées. Davantage qu’une application, une sorte d’interface sophistiquée.

Wired avance que ces « apperating system » sont appelés à avoir beaucoup de succès parce qu’ils répondent à un besoin fondamental des rivaux d’Apple et Google comme Facebook ou Amazon : celui de s’affranchir des univers imposés par les entreprises qui dominent les systèmes d’exploitation mobiles pour promouvoir leur propre agenda. Le Kindle Fire d’Amazon est une version radicalement transformée d’une tablette Android avec laquelle l’e-marchand entend privilégier sa propre offre en ligne. Pour ce faire, il neutralise une bonne partie des applications standards du système d’exploitation sponsorisé par Google.

Avec Facebook Home, le réseau social de Mark Zuckerberg est allé beaucoup moins loin, se contentant de placer ses propres fonctionnalités en avant sans pour autant éliminer les éléments Android, notammant la boutique d’applications : il les a relégués à l’arrière-plan, comptant sur le fait que de nombreux utilisateurs ne se donneront pas la peine d’explorer les recoins de leur téléphone et se contenteront de l’expérience Facebook mise en avant.

Ces « apperating systems » sont-ils donc appelés à devenir la nouvelle norme, celle qui permettra aux entreprises de l’Internet mobile de se concurrencer tout en coopérant et surtout, sans avoir à inventer à chaque pas de nouveaux et dispendieux systèmes d’exploitation ? SI c’est le cas, Android part avec un certain handicap par rapport à iOS, à la philosphie archi-propriétaire. Le caractère passablement ouvert d’Android, qui séduit bon nombre d’utilisateurs et de développeurs, pourrait

donc devenir un élément de vulnérabilité en ce qu’il peut accomoder des couches et interfaces envahissantes, susceptibles de mettre à mal le modèle d’affaires de Google. En effet, le but recherché par Google, en intégrant ses outils de base (Gmail, Google Maps…) dans les smartphones Android, est avant tout de mettre en avant dans ces applications les flux publicitaires qui forment son fonds de commerce.

Wired croit pouvoir affirmer que Facebook Home trouvera son public, à savoir les aficionados du réseau social. Avec ce smartphone HTC relativement bon marché, ils pourront vraisemblablement assouvir leur soif de contenus Facebook sans avoir à apprivoiser Android et ses complexités parfois déroutantes.

Dans cet univers des « apperating systems », les interactions entre les grands acteurs comme Google, Apple, Microsoft, Amazon, Facebook etc., notamment à travers leurs offres sur les boutiques d’applications de leurs concurrents et les évolutions en matière d’acceptation d’applications de tiers et de compatibilité mutuelle vont devenir encore plus complexes, mais aussi un peu plus intéressantes à suivre. Wired avance ainsi que le faisceau d’applications Google proposées sur iOS, le système d’exploitation des iPhone, très performantes et interagissant efficacement entre elles, constitue déjà un « apperating system » en soi, une sorte d’écosystème habilement pondu par Google au cœur de l’univers de son principal concurrent.

Face à un iOS verrouillé et à des concurrents qui pondent, comme Facebook, des œufs de coucou dans son propre système, Google résistera-t-il à la tentation de verrouiller Android pour assurer ses arrières ? Assurément, l’univers des tablettes et smartphones est appelé à rester un environnement très dynamique.

Jean Lasar
© 2024 d’Lëtzebuerger Land