Revues de web

AP poursuit un agrégateur « parasite »

d'Lëtzebuerger Land du 17.02.2012

L’agence de presse américaine Associated Press (AP) a annoncé cette semaine qu’elle poursuivait en justice l’agrégateur de nouvelles Meltwater, l’accusant d’opérer suivant un « modèle d’affaires parasite ». L’offre payante de Meltwater consiste, du moins dans le cas de ses dépêches, à transmettre à ses abonnés « du contenu créé aux dépens et à travers le travail de tiers », soutient la plainte d’AP.

Meltwater fonctionne depuis dix ans. La société est basée à San Francisco et compte 18 000 clients dans le monde. Elle a affiché l’an dernier un chiffre d’affaires de 118 millions de dollars. Son offre consiste à écrémer en permanence quelque 162 000 sources disponibles sur le Net et à produire pour ses clients des revues de web confectionnées sur la base de mots-clé. Meltwater a grandi en démarchant les entreprises suffisamment grandes pour organiser elles-mêmes un service de coupures presse, en les convainquant que son offre leur permettrait de réduire leurs coûts tout en bénéficiant d’une meilleure couverture.

En particulier, AP se plaint de ce que Meltwater offre aussi à travers sa plateforme un accès à des articles anciens, remontant jusqu’à 2007, que ses éditeurs ont depuis retiré de leur site web ou placé, dans bien des cas, dans des sections payantes de leur site. AP reproche aussi à Meltwater son service de nouvelles urgentes. Ces différents services ne font l’objet d’aucun accord entre Meltwater et les créateurs des contenus repris, fait valoir AP. L’agence de presse demande à un juge fédéral de New York de forcer Meltwater à cesser ses opérations et d’imposer le versement de dommages et intérêts.

La problématique de la reprise de nouvelles en ligne par des moteurs de recherche et agrégateurs a déjà fait l’objet de procès, en particulier en Belgique contre Google News, que des éditeurs de journaux accusaient de piller leurs contenus en outrepassant le droit de citation. Toutefois, Google offre systématiquement un lien vers les contenus originaux et peut donc faire valoir qu’il reste dans son rôle de moteur de recherche. À l’issue d’un litige qui a duré cinq ans, les liens vers les membres de Copiepresse, dont La Libre Belgique, ont été restaurés sur Google News en juillet dernier.

Meltwater a déclaré « respecter le droit d’auteur et opérer un service complémentaire qui dirige ses utilisateurs vers les sites des éditeurs, tout comme n’importe quel autre moteur de recherche ». Une grande différence entre Google News et Meltwater est toutefois que le premier est gratuit, alors que le second facture ses services au moins 5 000 dollars par an à ses clients. Ce qui est payant, explique Meltwater, est la partie « customisée » qui aide ses clients à suivre les articles sur la base de mots-clés dans 180 pays dans 100 langues. Mais Meltwater dit espérer parvenir à un accord à l’amiable avec AP.

Le litige entre l’agence américaine et Meltwater est différent de la plupart des affaires qui ont porté sur le droit de citation de nouvelles sur Internet en ce que le service de Meltwater n’est pas accessible aux non-clients et que ses abonnés paient pour ce service. Si la mesure exigée par AP, la fermeture du service, semble excessive, sa demande sous-jacente, que Meltwater négocie avec elle un accord de licence, semble a priori justifiée – d’autant plus que dans le contexte d’Internet, un tel accord peut porter sur autre chose que des paiements. Meltwater, de son côté, considère vraisemblablement qu’une concession de ce genre pourrait réveiller les appétits d’autres sources utilisées dans son service et mettre en échec son modèle d’affaires. Même si le caractère abrupt de la démarche d’AP, qui a semble-t-il lancé cette action sans contact préalable avec l’agrégateur, peut surprendre, cette affaire devrait en définitive contribuer à tracer un peu mieux, dans le territoire flou de l’agrégation de nouvelles et de la recherche sur le Net, la frontière entre droit de citation et pillage.

Jean Lasar
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