Luxemburgensia

One-Reel Picture Book

d'Lëtzebuerger Land du 04.04.2013

La fin des années cinquante était l’âge d’or de l’exploitation des salles de cinéma au Luxembourg. Ainsi en 1958, les exploitants des 53 salles du grand-duché ont réussi à vendre quelque 4,8 millions de tickets d’entrée. Un succès qui peut s’expliquer par le rêve de l’Überwirklichkeit dont parle Frantz Clément dans un article de 1936 où il décrit une séance de cinéma d’antan. Mais la décennie des années soixante sera marquée par l’apparition des postes de télévision et la diminution conséquente des chiffres de fréquentation des salles de cinéma qui entrainera finalement la disparition de la presque totalité des salles de cinéma historiques des centres urbains de Luxembourg.

Une nouvelle publication se propose de retracer l’histoire des cinémas sur le territoire de la Ville de Luxembourg. Intitulé D’Stater Kinoen, ce livre est une histoire culturelle riche en images et en anecdotes, mais aussi en statistiques et faits socioculturels qui en disent long sur la société luxembourgeoise du XXe siècle. Sur 350 pages, les historiens Paul Lesch et Yves Steichen développent la chronologie des treize cinémas de la capitale, du cinéma Parisiana ouvert en 1911 jusqu’à l’actuel Utopolis. À cela se rajoutent des chapitres consacrés, par exemple au cinéma sous l’occupation, ou alors au règles de comportement en usage dans les salles du grand-duché.

Mais la première partie du livre est tout aussi édifiante en ce qui concerne une histoire plus générale de l’apparition et de la diffusion du cinématographe au Luxembourg. Paul Lesch y retrace, grâce à un travail basé sur des sources issues des quotidiens et hebdomadaires d’époque, une évolution rapide d’un cinématographe considéré comme attraction de foire vers les premières architectures de salles de projection comme le cinéma Parisiana de la famille Marzen, situé en-deçà de la place Clairefontaine, qui sera en concurrence avec le Cinéma Palace de Félix Medinger (lequel, à partir de 1922, sera rebaptisé Cinéma de la Cour), pour s’assurer le monopole sur les très convoitées bobines de film avec la première grande star du cinéma muet qu’était Asta Nielsen. Pour illustrer une activité commerciale des premiers cinématographes, qui ciblaient un public local en filmant des évènements comme la procession dansante d’Echternach en 1906, D’Stater Kinoen est accompagné de deux DVDs, dont le premier présente des documents exceptionnels filmés au Luxembourg pendant la Belle Époque.

Cette période est également marquée par des personnages comme Mathias Martin (1882-1943) qui est non seulement l’architecte de la ganterie d’Albert Reinhard au Grund, mais qui a également conçu le Capitole, au numéro 55 de l’avenue de la Gare. Pendant les années trente, cette salle sera au centre d’une véritable guerre des cinémas au Luxembourg, notamment avec les propriétaires du Ciné Marivaux, qui se targuaient d’exploiter la seule et unique salle de luxe au grand-duché.

Paul Lesch, en collaboration avec Yves Steichen : D’Stater Kinoen – Eine Kinogeschichte der Stadt Luxemburg ; traduction par Georges Hausemer ; 392 pages ; publié par les éditions Guy Binsfeld, en collaboration avec le Centre national de l’audiovisuel et la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg ; mars 2013 ; 59 euros ; comprend deux DVDs ; ISBN 978-2-87954-263-8.
Christian Mosar
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