Marché professionnel

Comment se préparer à une surchauffe ?

d'Lëtzebuerger Land du 17.02.2012

Le marché immobilier professionnel au Luxembourg est, de par sa taille et ses acteurs, un marché spécifique. Il est principalement composé de bureaux avec le secteur banque, finance et assurances et l’Union européenne comme occupants prépondérants. Malgré sa taille restreinte, (le stock immobilier de bureaux s’élève aujourd’hui à environ 3,5 millions de mètres carrés), le marché est maintenant reconnu à l’international aussi bien par les investisseurs que les développeurs. Cette situation est la conséquence d’une certaine stabilité économique du pays, d’un niveau de loyer élevé et peu volatil ainsi que d’un risque relativement limité dans le cas de développements immobiliers.

Depuis 1993, le stock de bureaux au Luxembourg a, en moyenne, augmenté de quatre pour cent par an. Le taux de croissance de ce stock diffère d’année en année en fonction des cycles. Lorsque l’économie se porte bien et qu’une demande importante se fait sentir de la part des occupants, les développeurs prennent plus facilement le risque de démarrer un nouveau projet sur une base spéculative. De même, les banques sont plus à même d’octroyer des conditions de financements attractives pendant ces périodes propices.

Ce comportement cyclique mène néanmoins à des déséquilibres, car on se base sur la demande actuelle pour définir une offre future. Il existe en effet une inertie en termes de développement immobilier de l’ordre de 18 à 24 mois à partir de l’obtention du permis de bâtir. Dès lors, des disparités entre l’offre et la demande au moment de la livraison sont quasiment inévitables. Soit l’offre est trop importante par rapport à la demande au moment de la livraison comme ceci était le cas en 2009 (123 000 mètres carrés de take-up contre 148 000 de projets livrés). A contrario, l’inverse s’est produit en 2007 où la demande était forte (environ 187 000 mètres carrés) et peu de projets (70 000) arrivaient sur le marché. Ce dernier scénario pourrait ainsi se répéter en 2013.

2007 et 2008 étaient des années exceptionnelles au niveau des surfaces prises en occupation. Étant donné qu’en 2007, très peu de projets avaient été livrés et que la demande des occupants était forte, les promoteurs avaient relancé la production de nouvelles surfaces qui devaient arriver sur le marché en 2008 et 2009. Tout le monde pensait alors que ces nouvelles surfaces livrées allaient rapidement trouver preneur. Ce ne fût pas le cas. Le climat économique s’est fortement détérioré, influençant fortement la demande à la baisse. Ainsi, en 2009 et 2010, la prise en occupation n’était plus que de l’ordre de 120 000 mètres carrés.

De plus, depuis le début de la crise, les promoteurs ont rencontré de grandes difficultés pour démarrer leurs projets. Sans contrat de bail signé et sans apport conséquent en fonds propres, le démarrage d’un projet spéculatif est devenu particulièrement difficile. Suite aux conditions plus ardues pour le marché de bureaux, on a même pu assister à des changements d’affectation et à l’abandon complet de certains projets, les livraisons de nouveaux projets bureaux diminuant de plus de moitié à partir de 2010.

En 2011, le niveau de livraison s’est plus ou moins maintenu à un niveau d’approximativement 105 000 mètres carrés, mais la prise en occupation s’est redynamisée fortement, atteignant 175 000 mètres carrés. En 2012, seulement 78 000 mètres carrés de livraisons sont attendus, dont à peine 35 000 de ces surfaces seront disponibles, le solde ayant déjà fait l’objet de pré-locations ou sont des développements pour occupation propre. Cela a pour conséquence que le nombre de nouvelles surfaces disponibles est et sera très limité. Le taux de vacance va décroître davantage. Partant d’un taux de vacance de 2 pour cent en 2008, ce taux avait dépassé les 8 pour cent à la fin du troisième trimestre 2010, suite à la conjugaison d’une faible demande pendant plusieurs trimestres, de nouvelles livraisons de bâtiments (même si celles-ci étaient modérées) ainsi que d’une offre croissante de surfaces de seconde main liée à des restructurations ou à des faillites de la part de certains occupants. Après une stabilisation au quatrième trimestre 2010, la vacance locative a commencé à diminuer doucement et s’élève actuellement à 7,2 pour cent du stock total (250 000 mètres carrés). Un élément important sera l’activité économique dans les prochains mois. Pour 2013, le volume de livraisons sera légèrement plus élevé avec un niveau d’environ 125 000 mètres carrés. Ce niveau reste cependant toujours assez restreint.

Les loyers ont également évolué durant cette période. Malgré une pression baissière en 2009 et 2010, les loyers faciaux s’étaient maintenus à leur niveau de 40 euros par mètre carré et par mois (loyers dits prime) dans les nouveaux bâtiments de haut standing au centre-ville. Les loyers économiques (principalement pour des surfaces en périphérie) avaient diminué suite à l’octroi supérieur de gratuités et de participations de la part des propriétaires (participation aux aménagements locatifs ou gratuités de loyers par exemple).

Suite à la stabilisation et même la diminution du taux de vacance, la pression sur les loyers se réduit petit à petit et donne ainsi plus de confort aux propriétaires. Cela concerne surtout les quartiers centralisés où la vacance atteint déjà à l’heure actuelle des niveaux très bas. La périphérie a le plus souffert de cette évolution. Le taux de vacance y est largement plus élevé et les loyers sont soumis à une pression plus forte. Dans le quartier de la Gare, la vacance locative est inférieure à 2,5 pour cent, mais dans des zones plus excentrées comme à Bertrange, ce taux peut s’élever à plus de 20 pour cent.

Il est probable que l’on assiste à un retournement de la conjoncture qui tendrait vers une situation que l’on a connue en 2007. En d’autres termes, on assiste à une tendance vers un marché de propriétaires. Ces derniers se retrouveront dans une position de force vis-à-vis des occupants et pourront se permettre, faute d’alternative, de dicter plus facilement les conditions qui leur conviennent. Il ne restera ainsi que peu de marge de négociation pour les occupants.

Nous devrions assister à une augmentation des niveaux de loyers et les gratuités ou participations aux aménagements seront revues à la baisse ou supprimées. Cette situation aura également des conséquences opérationnelles, des occupants en fin de bail ou en croissance devront ainsi répartir leurs besoins de surfaces sur plusieurs bâtiments, éventuellement dans des bâtiments de seconde main, de moins bonne qualité technique, et perdre ainsi de l’efficacité et du confort.

L’auteure est responsable Marketing & Administration chez CBRE.
Véronique Koch
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