Govinda van Maele et Adolf el Assal sont deux réalisateurs-producteurs qui aiment sortir des sentiers battus. Ils le prouvent une nouvelle avec leur projet commun : Quickies, une série de 18 court métrages réalisés par 18 jeunes réalisateurs, avec un budget précis de 2 020 euros chacun.
Le cinéma est un art qui coute cher a-t-on l’habitude d’entendre. Certains chiffres donnent, il est vrai, le tournis : Pirates of the Caribbean: At World’s End a coûté la bagatelle de 400 millions de dollars, Avengers : Endgame, 350 millions, et plus près de chez nous, Valérian et la Cité des milles planètes a demandé près de 200 millions d’euros rien qu’au niveau de la production. Mais un autre cinéma est possible, un cinéma low-budget, voire no-budget. Au Luxembourg, les deux réalisateurs Govinda van Maele (En Dag am Fräien, We Might As Well Fail, Gutland) et Adolf El Assal (La Fameuse route, Les Gars, Sawah), par ailleurs producteurs (respectivement Les Films Fauves et Wady Films), aiment tout particulièrement ce genre projets. « Il y a un truc qui se dégage quand on fait des films sans la pression de l’argent. C’est libérateur », note Govinda van Maele.
Ainsi, bloqués chez eux à cause du Covid-19, les deux réalisateurs-producteurs ont imaginé le projet Quickies. « On était enfermés chez nous pendant le confinement et on entendait plusieurs de nos amis réalisateurs, acteurs et techniciens qui, même soutenus financièrement par le ministère de la Culture, étaient en manque de travail, de créativité », se rappelle Ady el Assal. « On s’est dit que ce serait intéressant de leur proposer ce challenge : faire un film avec les moyens du bord ». Les moyens du bord, dans ce cas-ci, ce sera la minuscule somme de 2 020 euros, en clin d’œil à l’année de la pandémie. En termes de production ciné, ça équivaut à « rien, rien, rien de rien du tout », reprend le réalisateur-producteur.
Le projet est présenté au Film Fund qui donne son feu vert. Filmreakter la structure qui produit le projet lance alors un appel. Alors qu’ils craignent de faire un bide et de n’avoir de retours « que de notre entourage proche », les deux créateurs se sont retrouvés avec une trentaine de propositions. Ils en garderont 18, choisies selon le scénario proposé, le pitch vidéo présenté, mais aussi l’expérience des porteurs de projets. Les heureux élus : Eileen Byrne, Catherine Dauphin, Larisa Faber, Godefroy Gordet, Max Jacoby, Nilton Martins, Nadia Masri, Baptiste Ménage, Thierry Mousset, Nicolas Neuhold, Suzan Noesen, Samuel Pertez, Emile Schlesser, Kim Schneider, Julie Schroell, le duo Frederique Buck/Gintare Parulyte ainsi que Adolf el Assa et Govinda van Maele eux-mêmes, ont eu carte blanche pour tourner le film de leur choix. Ils n’avaient que très peu de contraintes : un budget de 2 020 euros, la réalisation de courts de maximum dix minutes et une dead-line fixée au mois d’août de cette année. Mais les deux producteurs ont su se montrer plutôt large : certains films approchent les vingt minutes et d’autres ne devraient être prêts que plus tard.
Peu importe, les premiers ont déjà été tournés, montés, étalonnés, mixés, livrés et pour le premier d’entre eux, même publié sur le site du projet, quickies.lu. C’est Vis-à-vis, d’Emile Schlesser. Un seize minutes avec Tommy Schlesser, Sophie Mousel, Timo Wagner, Julie Kieffer, Konstantin Rommelfangen et Monique Reuter. Une histoire de pandémie, de jeunes qui veulent faire la fête, de personnes âgées qui se méfient, de masques, de tests, de contrôles… Si la fin est attendue, le film est bien joué, bien filmé et bien monté. Rien ne trahit ici le manque de moyens financiers. « Les gens vont être surpris de la qualité », assure Adolf el Assal sur l’ensemble de la proposition. À quoi Govinda van Maele ajoute : « Je savais que gens pouvaient faire de super trucs avec juste les moyens du bord, mais je suis quand-même super surpris par la qualité des films qu’on a reçus jusqu’ici ».
Des films sur la pandémie, mais pas seulement. « C’est une minorité, la plupart des films n’ont finalement rien à voir avec ça », reprend Adolf el Assal, qui énumère : « Il y a un peu de tout : de la comédie noire, des trucs très théâtraux, des trucs très arts et essai, d’autres très expérimentaux… Il y a des choses très réfléchies, des comédies toutes simples… ».
Les 18 films seront proposés sur le site des Quickies au rythme d’une nouvelle production toutes les deux semaines. Pour la suite, les deux producteurs veulent laisser les choses venir. « On veut rester spontanés, précise Govinda van Maele, j’ai bien aimé, pendant le lockdown le fait de ne pas toujours savoir ce qui allait se passer. On veut garder cet état d’esprit. Pour l’heure on n’a aucun projet de diffusion, on va « play as it comes » ». Une diffusion télé est possible, une projection en salle d’une sélection parmi ces 18 propositions également envisageable. « On va voir, tout est possible », soulignent les deux en chœur.
Au moment de conclure l’entretien, Govinda van Maele tient à apporter une dernière précision sur ces Quickies : « Il ne faut pas se méprendre sur les intentions du projet, le but n’est pas d’avoir des films presque gratuitement ou de faire baisser les cachets des artistes et intermittents lors des tournages. Chaque réalisateur était libre de faire ce qu’il voulait avec ses 2 020 euros, dans mon état d’esprit, cet argent sert à payer l’équipe, et sincèrement, vu les tarifs payés pour les courts-métrages au Luxembourg, la somme suffit. Ce sont les réalisateurs, quelque part, qui bossent gratuitement sur ce coup-ci. Comme un cadeau que chaque réalisateur fait au public ». Un cadeau qui ne se refuse pas !