Patrick Scholtes

La technè au service de l’art

d'Lëtzebuerger Land du 24.09.2009

Je rencontre Patrick Scholtes dans le centre de documentation du Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain. Celui qui sera déménagé dans le Project Room qui accueille le public et qui a été utilisé régulièrement pour les réunions de l’Association Internationale des Critiques d’Art au Luxembourg. Les aptitudes techniques de Patrick sont assez étonnantes en tant que responsable technique du centre d’art luxembourgeois. Patrick est serviable, souvent prêt à donner un coup de main à ses collègues et il sait s’avérer un expert dans l’adaptation des nouveaux matériaux, nouvelles technologies et nouveaux medias rencontrés dans l’art contemporain et les installations les plus incongrues et compliquées.

Né en 1967 à Differdange, père de deux enfants, Patrick Scholtes finit ses études par un CATP en 1986 pour devenir mécanicien. Puis il travaille huit années pour la WSA. Il entre au Casino en 1995 dès les débuts suite à la première édition de la capitale culturelle à Luxembourg. Il avait pourtant postulé au départ pour une fonction administrative et il se retrouve aujour­d’hui à être son propre chef au service production en collaborant avec le directeur artistique Kevin Muhlen, Sté­phanie Majerus, chargée de production, Christine Walentiny pour l’administration, l’énergique directeur admi­nistratif Jo Kox ainsi que ses techniciens. Patrick est en relation avec les commissaires d’expositions et les artistes pour recevoir toutes les données techniques de fabrication des œuvres et des supports de présentation comme pour l’exposition SK Interfaces qui aura lieu à partir du 26 septembre, sur la peau et ses extensions technologiques où il prévoit une construction d’une rétro-projection tridimensionnelle multi­mé­dia assez important.

Le métier de Patrick Scholtes le confron­te régulièrement à des productions inconnues et nouvelles, pour lesquelles il doit trouver les meilleures solutions et bien sûr les moins onéreuses en accord avec l’enveloppe budgétaire prévue. Voilà pourquoi il est le Solution finder de la condition technique de l’œuvre. Il s’occupe de trouver les matériaux et les fournisseurs, en respectant au mieux les exigences demandées par les artistes, trouve des compromis, soulève les problèmes et propose ses idées grâce à son expérience du métier. 

Patrick Scholtes est au plus proche de la création et de la demande de l’artiste en ce qui concerne la production, il fait le trait d’union entre l’artiste et l’institution et l’accompagne, du laboratoire à la présentation finie de l’œuvre. Ce qui implique qu’il soit doué en communication et relations humaines, parle plusieurs langues, sache se montrer accueillant, diplomate, anticipe les risques, présente bien l’institution, réfléchit à la sécurité des œuvres et du public, qu’il soit costaud, habile, débrouillard et réactif, fasse attention au budget et bien sûr, résiste au stress. Patrick se rappelle des plus grandes dépenses occasionnées par les grandes boules rouges d’Ilona Németh disposées dans la Kinnekswiss lors de Sous les Ponts, la piscine bâtie pour Bjarne Melgaard au CPCA Bonnevoie lors de Manifesta 2 et les outils biotechniques pour SK Interfaces.

Patrick est également souvent sollicité et sait se rendre disponible en tant que spécialiste en-dehors du centre d’art pour des occasions de montages d’expositions, notamment dans des galeries comme l’agence de Stéphane Ackermann où il intervenait avec générosité dans des opérations délicates. Ce sont les œuvres électriques et lumineuses qui sont, selon lui, les œuvres les plus capricieuses et difficiles à installer dans les expositions et il se remémore la préparation laborieuse des œuvres électriques de Light Pieces au Casino en 2000 (les néons de Fon­tana) et de la non moins brillante On Off en 2006-2007 ou encore de l’installation du fameux néon Sunset des artistes français Jugnet et Clairet, qui avait été très délicat à accrocher et dangereux à manipuler.

Outre sa formation et ses connaissances, Patrick Scholtes est amené à apprendre tous les jours, aide les artistes n’ayant pas d’idées précises pour présenter l’œuvre et sait rester jovial mais ferme. L’olivier sur un cube énorme de terre de Maurizio Cattelan, dont Patrick admire le travail et qui avait été trouvé en collaboration avec Tranelux, était une belle expérience pour lui. Mais les plus difficiles challenges à gérer, sont les expositions collectives de nombreux artistes avec plusieurs constructions à l’intérieur du centre d’art et en général, à réaliser rapidement. Heureusement il peut compter sur l’aide des gardiens entreprenants du centre d’art pour les montages et les démontages. Il se peut que le matériel ne soit pas disponible à Luxem­bourg, par exemple dans le cas de Simon Decker pour Ghosts où la couleur phosphorescente était difficile à trouver et a dû être commandée en Chine. Patrick se doit d’être perfectionniste afin d’obtenir un résultat optimal le plus proche du désir initial de l’artiste et d’une précision exemplaire des détails, il se souvient entre autres de la construction ambitieuse d’Aude Moreau pour l’installation Tirer le Ciel où une différence de 20 cm pouvait tout changer. Le Pavillon luxembourgeois Ca’ del Duca dans le cadre de la Biennale de Venise est aussi une expérience fantastique à ses yeux, mais difficile, car réalisée à distance et il faut parfois courir à travers toute la ville pour trouver un câble manquant. Il a eu plaisir à travailler avec Jill Mercedes et aussi Gast et Nadine Bouschet pour les dernières représentations du Luxembourg.

Patrick visite les expositions afin de s’inspirer des différentes méthodes et modes de présentation des œuvres. En dehors de la production, il gère les œuvres entrantes et sortantes transitant entre le Casino et d’autres lieux d’art ainsi que la location de matériel audiovisuel. Il prouve ses aptitudes également lors d’événements où il collabore avec des personnes externes au centre d’art, comme par exemple pour le montage de Colophon International Symposium organisé par Mike Koedin­ger et moi-même en mars 2009 ou encore pour les montages du Kiosk de l’AICA. Amateur d’art lui-même, Pa­trick Scholtes aime Frank Stella, Lucio Fontana, Simone Decker, Su-Mei Tse, Max Mertens mais aussi le vélo, la musique, la lecture, le cinéma et ses enfants. Le dicton de Patrick Scholtes est une réponse face aux vœux quelquefois les plus fous et irréalisables des artistes : « Je suis capable de tout faire, sauf des miracles ! ».

Finalement, Pa­trick Scholtes est le technicien idéal de beaucoup de situations sur la scène de l’art contemporain luxembourgeoise. Un artiste peut lui demander conseil même en dehors du cadre des activités du Casino, il est flexible et amical, représente un maillon professionnel fort sur qui il est possible de compter.

Didier Damiani
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