Le déploiement et l’utilisation de services d’e-santé progressent en Europe

Contraste nord-sud

d'Lëtzebuerger Land du 04.04.2014

Le rapport European Hospital Survey: Benchmarking Deployment of eHealth services (2012-2013) – Final Report publié début 2014 présente les résultats d’une étude sur l’e-santé réalisé par PwC Luxembourg pour le Centre commun de Recherche de la Commission européenne.

Son objectif ? Comparer le niveau d’adoption et d’utilisation des services d’e-santé dans les centres hospitaliers de soins aigus au sein des 28 États membres de l’Union européenne ainsi qu’en Islande et en Norvège. Les enseignements de l’étude permettront à la Commission européenne et à chaque pays d’identifier de possibles entraves à l’adoption de services d’e-santé et d’ajuster leur politique en conséquence.

L’étude a été menée auprès des responsables informatiques des hôpitaux retenus. Au total, 26 550 établissements de soins ont été contactés. Parmi ceux-ci, 5 424 hôpitaux de soins aigus ont été identifiés. Parmi ces derniers, 1 753 ont répondu à notre enquête.

D’une manière générale, l’utilisation des systèmes d’e-santé a progressé de façon modérée en Europe par rapport à l’enquête menée en 2010. Les systèmes de communication et d’archivage des images (Pacs) et les infrastructures de réseau sans fil sont les domaines ayant enregistré les plus fortes progressions. Environ 70 pour cent des établissements de soins sondés ont confirmé utiliser un système Pacs, résultat en nette progression par rapport à la dernière enquête menée (61 pour cent). L’utilisation d’infrastructures de réseau sans fil a enregistré une progression similaire, passant de 54 pour cent en 2010 à 66 pour cent en 2012.

Cependant, cette tendance à la hausse cache des disparités. Plusieurs États européens n’ont enregistré aucune progression en matière d’adoption et d’utilisation des systèmes d’e-santé, et certains ont même enregistré un recul. Cette évolution pourrait s’expliquer par la méthodologie utilisée pour cette étude. Le nombre de centres hospitaliers sondés (1 753 entités) a quasiment doublé par rapport à l’enquête précédente (906 entités sondées), donnant des résultats plus proches de la réalité. Cette croissance inégale pourrait également refléter une dégradation conjoncturelle liée aux politiques d’austérité menées dans plusieurs États.

D’une manière générale, les hôpitaux des pays nordiques ont enregistré les performances les plus dynamiques en matière d’adoption, d’utilisation et de déploiement de services d’e-santé, alors que les régions d’Europe de l’Est et du Sud ont enregistré des progressions plus modérées.

Par ailleurs, plusieurs domaines ont connu une certaine stagnation. Plus de 80 pour cent des établissements de soins sondés utilisent un système EMR (Electronic Medical Record – dossiers médicaux électroniques), EHR (Electronic Health Record – dossiers de santé électroniques) ou EPR (Electronic Patient Record – dossiers électroniques du patient). Ce pourcentage est en stagnation par rapport à l’enquête précédente.

En ce qui concerne l’échange d’informations médicales et l’accès en ligne aux dossiers médicaux, près de 90 pour cent des hôpitaux interrogés ne permettent pas à leurs patients d’accéder à leurs dossiers en ligne (95 pour cent lors de l’enquête précédente). Plus de 50 pour cent des établissements de soins ayant répondu à l’enquête ont recours à l’échange des données médicales et des analyses de laboratoire, alors que 46 pour cent des hôpitaux sondés n’ont rencontré aucun problème d’interopérabilité entre leurs systèmes.

L’étude a permis de démontrer que les grands établissements hospitaliers bénéficient d’un avantage certain en ce qui concerne le développement, l’utilisation et le déploiement de services d’e-santé. Ils sont d’ailleurs, avec les hôpitaux publics, généralement mieux équipés en ce qui concerne l’accès à internet à haut débit que les établissements privés et les établissements plus petits.

Les hôpitaux disposant de services e-santé ont tendance à utiliser ces derniers de manière courante, ce qui permet de justifier de l’investissement initial. Par exemple, les services de télésanté, qui ne sont pas mis en œuvre à grande échelle (31 pour cent), sont utilisés principalement dans le cadre de consultations entre professionnels de santé. Cependant, lorsque de telles fonctionnalités de télésanté sont disponibles, elles sont très largement utilisées (le taux d’utilisation avoisinant les 90 pour cent au sein des hôpitaux sondés).

Le profil e-santé du Luxembourg a sensiblement changé depuis 2010. Le pays a ainsi enregistré une hausse de 33 pour cent concernant les équipements et les services suivants : « accès Internet à haut débit », « réseaux unifiés sans fil », « systèmes intégrés pour l’orientation en ligne des patients », « échange de rapports radiologiques avec les prestataires externes » et « système de restauration rapide d’informations cliniques en cas de sinistre ».

Replacé dans le contexte européen de l’étude, le Luxembourg se positionne favorablement. Les centres hospitaliers du pays ayant participé à l’étude possèdent une infrastructure performante et de manière générale, meilleure que celle des pays voisins. Sa performance en matière d’accès internet à haut débit et de réseaux unifiés sans fil est particulièrement remarquable. Sur ces deux points, le Luxembourg enregistre une avance de 64 pour cent et de 60 pour cent respectivement par rapport à la moyenne européenne. Les hôpitaux sondés ont mis en place un système numérique de transmission et gestion d’images et de rapports médicaux. Le pays réalise une bonne performance dans le domaine de l’échange de rapports radiologiques avec les prestataires externes et en matière de restauration rapide des informations cliniques en cas de sinistre, avec une avance respective de 45 pour cent et 52 pour cent. Le Luxembourg a mis en place une stratégie ambitieuse de création de dossier de soins partagé électroniquement, piloté par une agence unique. Ces dossiers seront à disposition de tous les assurés luxembourgeois, y compris les frontaliers.

Parmi nos pays voisins, la Belgique est le meilleur élève dans plusieurs domaines dont l’échange de données médicales des patients et de rapports de laboratoire avec d’autres prestataires de soins et professionnels. Le pays est aussi en avance sur la mise en place de règles claires sur l’accès aux données médicales électroniques des patients.

Les applications de systèmes d’e-santé restent cependant plutôt faibles, principalement en ce qui concerne les e-services de soins ou de suivi aux patients à domicile qui actuellement ne sont pas déployés au Luxembourg. De plus, alors qu’environ la moitié des répondants européens utilisent un système d’ordonnance électronique (ePrescribing), seuls neuf pour cent des hôpitaux sondés en Allemagne ont mis en place un tel système.

Le développement de l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC), notamment dans le secteur de la santé, est une des priorités définies par la Commission européenne dans le cadre de son plan stratégique Europe 2020. Le rapport European Hospital Survey: Benchmarking Deployment of eHealth services (2012-2013) – Final Report doit permettre à la Commission européenne et à chaque pays d’identifier de possibles entraves à l’adoption de services d’e-santé et d’ajuster leur politique pour les lever.

Philippe Pierre est associé et Public Sector Leader chez Pwc Luxembourg, Guy Brandenbourger est associé et Healthcare Leader chez PwC Luxembourg.
Philippe Pierre, Guy Brandenbourger
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