On sait à quel point les restrictions liées à la crise sanitaire ont chamboulé notre vie, en général, et, plus particulièrement, la vie culturelle. C’est ainsi que, par exemple, la saison musicale en cours a été amputée d’un bon tiers. Raison de plus pour en remettre une sacrée couche dès septembre ? Toujours est-il que les responsables du fastueux complexe musical de la Place de l’Europe proposent, pour la saison 2020-2021, un programme des plus fastes… et des plus vastes, tant il balaie les siècles et les genres, avec, bien entendu, chevillé au cœur, l’espoir que, d’ici la rentrée des artistes, le Covid-19 ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
D’une programmation dont « la qualité va de pair avec une formidable diversité » (Sam Tanson), on retiendra, tout d’abord, qu’elle est placée – anniversaire oblige ! – sous le signe de Beethoven ; ensuite, qu’en guise d’« Artistes en résidence », la Philharmonie accueillera l’illustre violoniste et chef d’orchestre Leonidas Kavakos ainsi que le fabuleux accordéoniste Vincent Peirani ; enfin, et ce, au rang des bonnes nouvelles, que le maître-queux de l’orchestre maison, Gustavo Gimeno, rempile jusqu’en 2025, et se présente, pour la saison prochaine, avec une carte de menu étouffe-chrétien proposant des œuvres de Bruckner, Mahler, Debussy, Stravinski, Chostakovitch, Dutilleux et – last not least – Beethoven.
Côté grands sages de la baguette, pour le volet symphonique donc, le mélomane aura l’embarras du choix entre Sir John Eliot Gardiner et Sir Simon Rattle, Leopold Hager et Franz Welser-Möst, Valery Gergiev et Philippe Herreweghe, Sir Antonio Pappano et Marc Minkowski, Riccardo Chailly et Riccardo Muti, Christian Thielemann et Paavo Järvi, Thomas Hengelbrock et Jordi Savall, William Christie et Myung-Whun Chung, Yuri Temirkanov et Giovanni Antonini : autant de chefs prestigieux, lesquels opéreront au pupitre de la fine fleur des phalanges internationales les plus huppées (Vienne, Londres, Munich, Dresde, Hambourg, Saint-Pétersbourg, Paris, Amsterdam, Milan, Rome, Cleveland, Stockholm, Zürich, Monaco, Bâle, Salzbourg). Ouf !
Côté solistes, même défilé de géants, même pléthore d’artistes bien nés. Les amateurs de piano seront comblés avec des récitals de Maurizio Pollini, Grigory Sokolov, Sir Andras Schiff, Emmanuel Ax, Daniel Barenboim, Paul Lewis, Hélène Grimaud et Jean-Yves Thibaudet, les prestations de Nikolaï Lugansky, Denis Matsuev, Alexandre Tharaud et Alexandre Kantorov, sans compter les apparitions en solistes de Daniil Trifonov, de Krystian Zimerman dans les Concertos de Beethoven et de Mitsuko Uchida dans ceux de Mozart.
Les férus de violon ne seront pas en reste, avec des virtuoses de grand luxe tels que Frank Peter Zimmermann, Renaud Capuçon, Gil Shaham, Joshua Bell, Yuja Wang et Khatia Buniatishvili. Que du beau linge !
Quant aux aficionados du l’instrument-roi, ils auraient mauvaise grâce à se plaindre, avec la venue d’organistes de la pointure d’un Thomas Trotter ou d’une Iveta Apkalna, qui n’ont pas leur pareil pour faire résonner les 6 768 tuyaux du Schuke dans toute leur splendeur.
Et pourtant, ce n’est pas tout. Comme si tout cela ne suffisait pas, s’y ajoutent, en effet, les nombreuses propositions des ensembles à demeure : que ce soit l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg, sous Gustavo Gimeno, les Solistes Européens Luxembourg, sous Christoph König, ou l’Orchestre de Chambre du Luxembourg, sous la baguette d’une pléiade de chefs invités.
Sont particulièrement gâtés, cette année, les inconditionnels de la musique de chambre, et, tout spécialement, ceux qui ne jurent que par le quatuor à cordes, dont on sait qu’il passe – à juste titre, au demeurant – pour être la forme la plus accomplie de la musique chambriste voire de la musique classique tout court. La nouvelle saison sera l’occasion de retrouver les quatre ensembles de grande classe que sont les Quatuors Arod, Jérusalem, Emerson et Tákacs, et ce, à la faveur d’affiches qui prennent la peine de s’intéresser, parallèlement aux créateurs incontournables du genre que sont les Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Brahms ou Debussy, à des compositeurs moins joués tels que Borodine, Bartok, Korngold ou Dutilleux.
À côté des valeurs sûres et des vieilles connaissances, dont on ne peut qu’admirer la fidélité à Luxembourg, une place non négligeable est faite à de nouveaux visages ou rising stars : on pourra, ainsi, découvrir, entre autres, les jeunes membres du Quatuor Aris, le baryton James Newby, la percussionniste Vanessa Porter ou encore la saxophoniste Jess Gillam.
Au chapitre des musiciens nationaux, on ne manquera pas de fêter les retrouvailles avec les pianistes Jean Muller, Cathy Krier et David Ianni, le maestro Pierre Cao et l’ensemble United Instruments of Lucilin, dont nul n’ignore le rôle majeur qu’il joue, depuis deux décennies, dans le domaine de la musique contemporaine, où il a, à son actif, notamment de nombreuses créations de compositeurs de chez nous ou d’ailleurs.
Enfin, on notera que la saison à venir sera marquée par le retour, le 5 décembre, soit un an, presque jour pour jour, après sa dernière visite, de la « Grande Dame du Bel Canto », Cecilia Bartoli.
Ce panorama succinct de ce qui attend l’amateur de musique classique dans les prochains mois serait incomplet sans la mention spéciale des odyssées qui emmèneront le vaisseau amiral de la vie musicale autochtone qu’est l’OPL au-delà des frontières grand-ducales. Outre un retour dans des salles mythiques comme le Théâtre des Champs-Élysées à Paris, le Concertgebouw amstellodamois ou le Wiener Konzerthaus, le National fera ses débuts au Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence, à La Comète à Châlons-en-Champagne, à l’Opéra de Dijon, au Müpa de Budapest, au Konzerthaus Dortmund ainsi qu’à la Philharmonie Essen.
Quel programme ! Quelle offre ! Quelles aventures et quelles émotions en perspective ! Oui, je vous l’avais bien dit : « On croit rêver ! ».