Cette semaine de Conseil européen a débuté lundi avec la diffusion sur les réseaux sociaux de nouvelles vidéos insoutenables en provenance du nord de la bande de Gaza : des civils réfugiés dans la cour de l’hôpital Al Aqsa transformés en torches humaines par l’armée israélienne. Un crime de guerre à ajouter à une litanie. Durant le week-end, une frappe de Tsahal a blessé des casques bleus au Sud-Liban, un acte condamné par le Conseil européen. Du bout des lèvres.
Quelques jours plus tôt, le gouvernement de Benyamin Netanyahu a officiellement déclaré le secrétaire général des Nations unies, persona non grata en Israël. Dans une lettre jointe, 105 États membres des Nations unies (sur 193) manifestent leur soutien à Antonio Guterres et préviennent que de telles actions « undermine the United Nations’ ability to carry out its mandate, which includes mediating conflicts and providing humanitarian support », notamment au Proche-Orient. La quasi-totalité des États-membres de l’UE ont signé, y compris le Luxembourg. Manquent l’Autriche, la Pologne, la Hongrie et l’Allemagne.
Dimanche, le Premier ministre de l’Irlande avait déjà partagé son ras-le-bol après les ordres d’évacuation de villages du Sud-Liban et les bombardements israéliens sur Jabalia ayant tué des dizaines de civils : « This deliberate targeting and abuse of civilians must stop. Those responsible must be held accountable. That must be the case for Israel, as well as for Hamas and Hezbollah. There should be no impunity. » Des mots clairs et forts, à mille mille mille lieux des balbutiements de la diplomatie luxembourgeoise.
Son chef, Xavier Bettel (DP), a partagé son désarroi à son arrivée au conseil Affaires étrangères (CAE) à Luxembourg . Bettel se croit dans un « mauvais film » où les gens mourraient irrémédiablement. Il se perd dans les conjectures : « Se défendre est un droit. Mais le droit international est aussi un droit. » Puis le bâtisseur de ponts verse dans le fatalisme. Le Luxembourg serait un « petit », impuissant face aux « grands » du Conseil de sécurité. L’Union européenne elle-même, victime du principe de l’unanimité pour les décisions de politique étrangère, ne serait plus qu’un « confetti ». « Les gens ont beaucoup de questions, mais nous n’avons pas de réponse. Problème », constate Bettel dans une dramaturgie toute bettelienne. Par un communiqué envoyé à l’issue du CAE, le ministère des Affaires étrangères s’inquiète en outre des projets de loi déposés à la Knesset interdisant à l’UNRWA de remplir son mandat, à savoir de soutenir la population palestinienne sur le plan humanitaire. Le ministre Bettel lance également un appel aux autorités israéliennes pour garantir l’accès des agriculteurs palestiniens à leurs oliviers en cette période de récoltes, décisives pour l’économie et les populations de Cisjordanie, mais menacées par les violences commises par les colons et les restrictions de mouvements imposées.
Ce mercredi, les chefs d’État et de gouvernement européens se sont retrouvés à Bruxelles pour le premier sommet avec le Conseil de coopération du Golfe. Le Premier ministre, Luc Frieden, y a revu l’émir du Qatar (photo en une), membre de la famille Al Thani qu’il connaît bien (BIL, Cargolux, Deutsche Bank, KBL). Le risque d’une guerre régionale au Proche-Orient a figuré en haut de l’ordre du jour. Pareil le lendemain au Conseil européen, mais derrière la politique migratoire. Interrogés par le Land sur la position luxembourgeoise défendue à ces occasions, les services de Luc Frieden assurent que celui-ci plaide pour « une désescalation et un cessez-le-feu, ainsi que la libération des otages ». Une position ultra-minimaliste et passe-partout alors que les grands États européens aiguisent leurs convictions face au drame grandissant. 42 438 personnes (principalement des femmes et des enfants) ont été tuées depuis un an dans la bande de Gaza, selon le décompte officiel produit par le Hamas ce jeudi.
L’Espagne et l’Irlande demandent des sanctions contre le régime de Netanyahu et une révision de l’accord d’association UE-Israël. À travers des prises de position au Bundestag de son chancelier, Olaf Scholz (SPD) et de sa ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock (die Grünen), l’Allemagne réaffirme vouloir vendre des armes à l’armée israélienne. En cause : la pression exercée par la CDU et notamment Friedrich Merz, son Kanzlerkandidat pour 2025, que Luc Frieden a rencontré mardi à Berlin. Interrogé sur l’existence de discussions de préparation du sommet de cette semaine eu égard au Proche-Orient, le ministère d’État se cantonne à dire que des « sujets d’actualité européenne » ont été abordés.