Galerie Beaumontpublic

Variables

d'Lëtzebuerger Land du 21.01.2010

Le 17 mars 2009, le grand-duché de Luxembourg légalisait l’euthanasie et devenait le troisième pays de l’Union européenne, après les Pays-Bas et la Belgique, à autoriser l’assistance au suicide. Cependant, le texte de loi avait vu l’opposition du grand-duc Henri, pour des raisons de convictions catholiques ne se mariant guère avec ce type de liberté prise sur la vie et la mort de l’être humain. La conséquence en avait été la réforme de la Constitution par le Parlement luxembourgeois. Cet épisode de la vie politique et médicale luxembourgeoise avait surtout montré la réduction du pouvoir du souverain se contentant de promulguer les lois, ne pouvant plus les « sanctionner pour les valider ».

Retour sur ce débat aujourd’hui dans le monde de l’art luxembourgeois, au sein de l’exposition Variables à la galerie Beaumontpublic, qui fête ses 25 ans d’existence cette année et où l’artiste d’origine polonaise Filip Markiewicz expose un portrait d’un monarque portant en écharpe l’inscription « euthanasie ». Le grand.-duc pose avec son costume d’apparat comme dans ses fameux portraits photographiques connus de tous, avec galons, cravate noire et képi sous le coude. L’image montre le représentant du Pouvoir national, affichant, presque prônant, malgré lui finalement, une loi qu’il n’a pas pu interdire. Ce constat de paradoxe amène la réflexion de savoir qui a le pouvoir d’interdire et d’autoriser aujourd’hui dans notre société. Cette « caricature iconique », provocante et juste, l’image d’un chef de l’État « censuré » par son propre gouvernement le réduit à sa plus simple expression, un tigre de papier, une marionnette politique.

L’exposition Variables présente une sélection d’œuvres variées de choix, de différents média, provocantes et, représentatives de l’orientation artistique de la galerie, avec artistes des débuts et nouveaux arrivants, que sa directrice Martine Schneider-Speller n’a de cesse de défendre depuis ses premières années, avec intelligence, clairvoyance et un grand respect des artistes invités. Les variations de Variables vont du sexe, avec une fellation squelettique de l’artiste belge Wim Delvoye passée au rayon X au sous-sol, au très existentialiste film numérique du Suisse Yves Netzhammer, ambiance suicidaire, dans lequel les singes et les hommes sont tombés sur la tête. Hermann Nitsch, figure majeur de l’actionnisme viennois, montre les traces photographiques d’une performance corporelle, rituel sanglant avec crucifixion, relecture d’un épisode biblique crucial dans l’histoire religieuse. Au rez-de-chaussée, l’oppression et l’angoisse ressortent de la sculpture vidéo de Marie-Jo Lafontaine, dispositif en forme de croix placé au centre de la pièce. Les photographies atmosphériques et expressionnistes d’Ellen Kooi et du duo allemand Anna [&] Bernhard Blume l’entourent.

Avec ses 25 ans d’existence, Beaumont­public confirme son rôle pionnier et audacieux sur la scène de l’art contemporain luxembourgeois en montrant de grandes figures internationales de l’art comme Atelier Van Lieshout, Jan Fabre, Marina Abramovic, Per Kirkeby, Jonathan Meese, mais aussi en découvrant et en soutenant des artistes plus jeunes comme Kosyo et locaux confirmés comme Su-Mei Tse. Les artistes représentés ne sont pas nécessairement sages dans leur discours, marqués par des questionnements culturels, sociaux et politiques d’actualité avec une vision critique et acérée de notre monde, une véritable interrogation de la société et du pouvoir et un discours souvent engagé.

Variables, jusqu’au 30 janvier, ouvert du mardi au samedi de midi à 18 heures ; Beaumontpublic, 21 A, avenue Gaston Diderich à Luxembourg, Internet : www.beaumontpublic.com ou télphone : 46 23 43.
Didier Damiani
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