La fraîcheur de Moritz Ney : des tableaux du quotidien chez Fellner contemporary

Fleurs et papiers

d'Lëtzebuerger Land du 03.02.2023

Moritz Ney compte parmi les peintres luxembourgeois qui fournissent un travail régulier et constant. Pas seulement parce que l’on reconnaît ses thèmes et ses traits, mais parce qu’il s’y met tous les jours dès l’aube. C’est son exercice du matin qui rythme le début de la journée.

Sa production la plus récente est à voir chez Fellner contemporary. À maintenant 75 ans, ses instantanés du quotidien ont une fraîcheur enfantine. Trois œuvres de taille moyenne accueillent le visiteur, qui résument la thématique privilégiée de l’exposition – la fête foraine. Sa manière de disposer les éléments du tableau, dans d’autres scènes aussi, est récurrente : un ou des personnages, sont le plus souvent au centre. Ici, un petit garçon sur son vélo, là des chevaux, mais aussi trois personnages féminins de taille plus importante, cette fois décentrés vers le côté droit.

Dans ces trois tableaux, exécutés rapidement et avec un pinceau que l’on sent parcourir le papier kraft de façon légère, un espace central laisse toujours respirer la composition. La partie haute est travaillée en deux bandes superposées. La première cadre l’espace central et situe la scène : les camions des forains arrivent, des habitations dessinent une ligne d’horizon. La bande au-dessus, qui constitue le bord supérieur du tableau est dense, avec des arbres aux couleurs automnales, un ciel où courent des nuages. Les couleurs sont éclatantes : l’orange, le bleu, le violet.

Quatre autres œuvres à l’acrylique, également réalisées sur papier kraft, représentent encore la fête foraine et montrent la même habileté de Moritz Ney à structurer le tableau, comme ici, les montants verticaux des manèges en train d’être montés. Le caractère de la fête est rendu par des petites silhouettes humaines qui semblent se déplacer. Dans cette série, un camion qui tire un train de roulottes, est travaillé de manière très exacte. Il y a là un rendu de la masse à laquelle on ne s’attendait peut-être pas chez Moritz Ney.

Lequel visiblement s’amuse. Une sculpture est à base d’une bouteille qui forme le corps d’un personnage. Les matériaux sont de récupération et hétéroclites. Du bois, même pas dégrossi, éclaboussé de plâtre et de couleurs fortes. Le plus souvent, c’est du rose, puisqu’il s’agit essentiellement de visages. On peut ne pas aimer… Mais un bouquet de tulipes jaillit d’un vase dans une grande œuvre et révèle un travail habile sur l’équilibre. Ce bouquet, également fait de bric et de broc est vivant, comme le seraient de vraies fleurs.

Moritz Ney est de ces artistes luxembourgeois dont Hans Fellner s’est promis de défendre le travail. Mais que dire des bouquets de fleurs de Moritz Ney sur papier ? Certes, il y a là une habileté à rendre la transparence d’un vase en verre, la rapidité d’exécution, comme une écriture, pour rendre le velouté des pétales de tulipes, les traits effilés que dessinent des iris…

Des calligraphies, à la chinoise, disent bien qu’il s’agit d’une sorte d’exercice d’écriture. Sur le thème, on n’a pas envie d’en dire plus. Mais ce qui est intéressant, c’est comment la couleur aqueuse travaille le papier qui se rétracte. D’autres bouquets sont réalisés sur des feuilles de plastique dur, selon la technique de la peinture sous verre. Dommage que ces pièces ne soient pas présentées entre deux plaques de verre par exemple, pour en souligner la transparence mais encadrées, comme toutes les autres, ce qui ne laisse plus rien paraître du rapport peinture-technique. Et puis, on tombe sur des coquelicots rouge sang au cœur noir dans un vase également noir. La production de Moritz Ney est abondante et ainsi, nécessairement inégale. Mais il y a des pépites.

Moritz Ney – New Works. Paintings & sculptures, est à voir
à la galerie Fellner contemporary, 2a rue Wiltheim
à Luxembourg, jusqu’au 11 mars

Marianne Brausch
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