Rendez-vous incontournable du Luxembourg City Film Festival et du secteur
audiovisuel luxembourgeois, la soirée des courts-métrages a présenté
neuf projets aux genres et qualités hétéroclites

Le court en dit long

d'Lëtzebuerger Land du 11.03.2022

La traditionnelle soirée de présentation des courts-métrages au Luxembourg City Film Festival est autant attendue que redoutée. Moment de partage et de rencontre du cinéma luxembourgeois, la soirée s’annonce toujours longue et parfois fastidieuse. Cette année avec le retour en présentiel, le public est au rendez-vous, la salle est quasiment pleine, on y retrouve une partie du gotha du cinéma luxembourgeois, composé principalement des équipes de tournage des différents films présentés. Durant près de 3h30, neuf projets, allant de deux à trente minutes chacun, nous sont présentés, de réalisateurs débutants ou non, dans des genres et des traitements très différents. Si la qualité parfois discutable des films montrés lors des années passées a donné à cette soirée une fâcheuse réputation, cette édition nous fait dire le contraire. Peut-être le court-métrage est-il enfin devenu pour les producteurs, une forme à part entière, à considérer, tout autant que le long-métrage et pas seulement comme un brouillon ? Peut-être cette forme est-elle devenue un mode de création en soi pour certains auteurs du cru ? Toujours est-il que cette année, d’une manière globale, la qualité des projets était là.

On a ri devant l’ironie de And He Said Yes! de l’actrice et réalisatrice Gintare Parulyte, qui, dans un discours simple, à la limite du simpliste parfois, a tout de même réussi à nous emporter dans une histoire d’amour fulgurante teintée d’imbroglio culturel entre Greta, l’Islandaise et Thanos, le Grec. Il est aussi question de triangle amoureux dans Nucléaire, le premier film de la scénariste, réalisatrice, et directrice de casting, Roxanne Peguet. Elle y met en scène le jeune Jules Waringo qui semble petit à petit s’imposer sur les écrans comme un acteur incontournable. Même si l’on reste un peu sur sa faim, les débuts de Roxanne Peguet révèlent un caractère et une intention artistique affirmée dans ce premier projet qui dépeint une jeunesse en proie aux raisons de l’amour que la raison ignore.

Dans la série des débuts sur grand écran, nous avons pu découvrir l’ovni d’animation Bright de Camille Haumont, qui, en seulement deux minutes, nous embarque dans une transformation psychédélique qui nous invite à « regarder vers la lumière », selon ses propres propos. De son côté, Jonathan Becker, cousin du réalisateur Julien Becker, fait ses premiers pas sur grand écran avec Bellevue, comédie noire, huis clos dramatique qui ne tient malheureusement pas les promesses d’un casting pourtant prometteur – réunissant notamment Luc Schiltz et Sophie Mousel (Capitani) – passant à côté de l’élément essentiel de la fabrication d’un film qu’est la direction d’acteurs. Du côté des plus expérimentés, Emile V. Schlesser, nommé au dernier Filmpraïs avec son court-métrage Vis-à-Vis, nous a offert un très bon moment de satire familial, maîtrisé et particulièrement caustique avec son film Kowalsky. L’ironie et la satire semblaient être un des fils rouges de la soirée que l’on retrouve également dans le film Caroline est sur le toit d’Alejandro Bordier qui nous entraîne dans un petit village des rives de la Moselle à l’esthétique plus léchée que le scénario. Le très réussi Nice not to meet you de Sirvan Marogy, issu comme chaque année du concours Crème fraîche, combine des qualités esthétiques et scénaristiques à la découverte d’une série d’acteurs. Là aussi l’ironie est à l’œuvre, peignant un portrait du monde de l’entreprise un rien glaçant.

Il reste encore Porzellan de Felix Keilen à l’esthétique eighties et à l’ambiance assez tendue. Plus qu’un court, on pourrait croire à une scène extraite d’un thriller. Puis un objet, inclassable, comme peut l’être le format court ou très court dans ce cas, Meng Hoer (My Hair) du réalisateur Max Jacoby, qui réalise, en seulement trois minutes, le portrait d’une jeune fille, Olivia, à travers sa relation à sa chevelure et ce que cela dit du rapport à l’altérité. Cette soirée, certes toujours aussi longue, et sans moment de partage après la projection, nous aura, cette année, offert un beau panorama de la création actuelle et à venir, et en même temps offert une promesse de ce que pourrait être le cinéma luxembourgeois de demain.

Mylène Carrière
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