Il est venu à notre attention que d’aucuns nous reprochent de vous avoir laissé tomber au nom de la défense du triple A. Nous chercherions, avancent ces mauvaises langues, à négocier avec vous, et avec les lois de la thermodynamique qui vous gouvernent, de la même façon que nous le faisons habituellement avec les syndicats et les technocrates de Bruxelles, pour procrastiner au nom de la compétitivité de notre place financière et de la croissance. Cette lettre se propose de vous démontrer qu’il n’en est rien, évidemment. Que bien au contraire, nous sommes vos meilleurs alliés.
Cela commence par le nom qui nous désigne communément : les conservateurs. Qui pourrait être mieux placé qu’une famille politique ainsi nommée pour préserver ou, là où cela s’avère nécessaire, restaurer ce contexte originel qui nous est si cher ?
Ensuite, il faut bien voir que nos électeurs ne sont pas prêts à accepter les mesures recommandées par les scientifiques, et que notre stratégie, qui consiste à relancer l’économie, telle qu’elle a si bien fonctionné pendant des décennies, pour dégager les excédents financiers dont nous avons besoin pour amorcer la transition énergétique, est la seule envisageable. Cela tombe sous le sens : sans de solides réserves, jamais nous n’aurons les moyens de nous payer cette transition.
S’il nous est arrivé de dire du mal de ceux qui ont cru pouvoir parler en votre nom, ce n’est que tactique. C’est parce que nous savons que nous gérons mieux les affaires qu’eux. En pratique, il s’agit de confier aux entrepreneurs et à ceux qui les financent le soin de trouver les meilleures méthodes pour mettre notre mode de vie en adéquation avec les limites planétaires. N’en doutons pas, toute autre méthode est condamnée par avance parce qu’elle transgresse les limites sociétales. Celles que mettent en avant les prétendus défenseurs du climat sont non seulement liberticides, mais aussi inspirées d’a priori technologiques peu compatibles avec les lois intangibles de l’économie.
Les solutions que nous mettons en œuvre pour vous sauver sont frappées au coin du bon sens : faciles à comprendre, conçues pour ne pas faire de vagues et ne laisser personne au bord du chemin. Les pseudo-activistes parlent beaucoup de justice climatique, mais croyez-en notre expérience : en la matière, le consensus et l’acceptabilité sont encore plus importants que la justice.
Nous espérons vous avoir convaincus, chère nature, cher environnement, cher climat, du bien-fondé de notre approche et avons une dernière faveur à vous demander. S’il vous plaît, tenez en dûment compte au cours des prochaines années et tâchez d’observer une trêve pour tout ce qui touche aux extrêmes météorologiques et à l’effondrement de la biodiversité : il va nous falloir quelque temps pour déployer nos mesures, et des impacts imprévus résultant d’incartades de votre part telles que vagues de migration incontrôlées, crises alimentaires, soubresauts financiers ou confits armés pourraient désarçonner nos électeurs. Tenez-vous à carreau, c’est dans votre meilleur intérêt.
Sincèrement, Le nouveau gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg.