Sites locaux et participatifs des médias

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d'Lëtzebuerger Land du 09.12.2010

Rien ne va plus. Trois, quatre heures, voire plus d’attente sur des routes bloquées étaient le sort de la majorité des automobilistes, des attentes de plusieurs heures jusqu’à ce qu’un bus arrive celui des utilisateurs des transports en commun mercredi soir, à l’heure du chaos généralisé provoqué par les chutes de neige importantes. Surchargés, les réseaux de téléphonie mobile se sont effondrés, sauf pour l’envoi de SMS. Complètement immobilisés, coupés du reste du monde, que font les automobilistes et les utilisateurs des transports en commun ? Ils essaient de s’informer en écoutant la radio – et ils partagent leurs expériences et leurs frustrations par les réseaux sociaux comme Facebook. Ou par les portails Internet des médias, notamment RTL.lu et, à moindre mesure sur ceux de L’essentiel et du Wort. Durant toute la nuit, des SMS arrivaient sur le flux de RTL, rendant compte de la situation sur les grands axes routiers ou sur les petites routes perdues. Les plus courageux envoyaient même des photos, voire de petits films tournés en conduisant...

Alors qu’ailleurs dans le monde, comme lors des élections en Iran l’année dernière, les réseaux sociaux, les blogs et les sites participatifs permirent de contourner la censure et à faire entendre la voix du peuple opprimé partout dans le monde, tout se passe comme si l’état d’exception majeur du grand-duché était climatique et touchait la mobilité.

Sous pression face à la chute vertigineuse de leurs recettes et au désistement de leur public, les grands médias réagissent un peu sur tous les fronts, aussi bien sur le marché des gratuits, avec une édition du soir du Point.24 (Saint Paul), que sur Inter­net. « Nous avons mené une réflexion approfondie sur ce que nous sommes, ce que nous voulons être et ce que nous pouvons faire sur la toile, » explique Paul Lenert, directeur général de Saint Paul Luxembourg, directeur du Luxemburger Wort et des rédactions. « Et nous avons estimé qu’il fallait tirer profit de ce qui, historiquement, est notre force, comme par exemple nos pages locales. Car on peut apprendre ailleurs ce qui se passe à New York, mais pas ce qui se passe dans son environnement direct. » Cet été, l’équipe « nouveaux médias » du groupe a donc lancé une version béta d’un site dédié exclusivement aux nouvelles locales, MyWort.lu, subdivisé en 138 sous-portails, par commune, « avec une technologie que nous considérons comme étant très innovatrice, » insiste Paul Lenert.

« Nous ne savions même pas que le Wort travaillait sur cette idée, affirme pour sa part Luc Marteling, responsable de RTL.lu, mais je crois me souvenir que nous sommes allés en ligne quelques heures plus tôt qu’eux, début novembre... » Parallèlement, RTL a donc lancé Meng Gemeng, regroupant toutes les informations publiées sur leur site, mais classées par localités grâce à des tags. Les deux sites misent sur la proximité et encouragent, voire demandent la participation des internautes, qui peuvent devenir chroniqueurs locaux en publiant textes et photos, sur MyWort ils peuvent même gagner des prix, comme des appareils photos, avec leurs contributions. « En tant que média national, explique Alain Berwick, directeur des programmes luxembourgeois de RTL Group, nous avions peu à peu abandonné les informations locales, car un habitant de Rumelange ne s’intéresse pas à ce qui se passe à Troisvierges. » Seuls les comptes-rendus des séances des conseils communaux des principales localités du pays ainsi que les nouvelles revêtant un intérêt national étaient restés dans le programme.

« Mais internet nous permet justement de nous rapprocher du public. Et puis, oui, c’est aussi un moyen de nous avancer sur le marché du Wort, » concède-t-il. Les deux médias imposent toutefois une inscription des chroniqueurs locaux avant qu’ils puissent publier du contenu sur le site, et leurs directions affirment que tout ce qui entre est contrôlé avant sa mise en ligne – les excès des forums, où des commentateurs anonymes se concurrencent dans le racisme et les insultes, doivent être évités.

Or, si ces sites donnent l’impression d’une démocratisation de l’information (non pas de son accès, mais de sa transmission), réjouissant surtout ceux qui croient savoir depuis toujours que « les médias nous cachent tout », il est vrai aussi que les faits divers publiés par commune ne sont pas vraiment ni sexy, ni intéressants pour celui qui n’habite pas au même endroit ou ne fréquente pas le même club local. Raconter son vécu n’est pas du journalisme, mais un croisement entre journal intime et magazine de liaison de son association.

« Nous voulons essentiellement fidéliser le public, » dit Alain Berwick. « Nous espérons toucher beaucoup de lecteurs, » est aussi l’appréciation de Paul Lenert. Si Alain Berwick insiste que le but premier de Meng-gemeng.rtl.lu n’est pas de récupérer les petites annonces locales, comme ceux des commerces estimant une pub nationale trop chère si leur clientèle est une clientèle de proximité, « car cela coûte plus d’aller les chercher qu’elles ne rapporteraient », le site du Wort par contre permet aux annonceurs de faire la publicité tout seul, à partir de chez soi, en quelques clics, avec des tarifs très compétitifs, allant de 29 euros pour une publicité visant une commune pendant une semaine à 299 euros pour une pub par région durant un mois. Là encore, ils semblent s’être au moins inspirés de l’expérience Facebook, qui permet aussi de cibler les banners publicitaires selon les profils des utilisateurs.

josée hansen
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