Katell Guillou

La gourmandise de la libellule

d'Lëtzebuerger Land vom 29.01.2016

Vêtue de bottes en cuir, d’un pantalon et d’une veste noire Kooples avec un rebord fin en soie, tel un smoking, sur un pull léger gris foncé près du cou, Katell Guillou, d’origine bretonne, vient se voir décerner une deuxième étoile Michelin : celle-ci pour l’établissement Guillou Campagne à Schouweiler. La précédente date de 2006 pour le restaurant Toit pour Toi, dans la grange voisine aux poutres et pierres apparentes, rénovée dans un design très contemporain.

Les cheveux noirs coupés courts dégagés sur le visage souriant aux yeux bruns, qui porte une ressemblance avec son père, Pierrick Guillou, chef étoilé depuis 1978 au Luxembourg. Son sourire toutes dents, elle le tient de sa mère Lysiane, qui est toujours présente en salle du restaurant.

Le restaurant Guillou Campagne, autrefois Table des Guillou étoilé depuis quinze ans, doublement étoilé depuis neuf ans, était tenu par ses parents, avec aux fourneaux son père Pierrick, qui a décidé de rendre ses macarons il y a six ans et de partir à la retraite. C’est à ce moment-là que Katell Guillou a refait l’intérieur, changé le décor et les dispositions internes et ré-ouvert sous le nom Guillou Campagne avec comme emblème la libellule. « L’histoire raconte qu’une libellule venue de l’étang du jardin s’est posée sur le bord de l’assiette… ». Cet odonate illustre à merveille les plats campagnards, mais élégants et raffinés : le vrai vol au vent au poulet de Challans, cœur de ris de veau, champignons de Paris ; la tête de veau grise, sauce Gribiche ou les noix de Saint-Jacques poêlées au coulis de truffes noires…

Un coin épicerie permet aux clients d’emporter chez eux un souvenir de leur repas, dans la tradition de l’hospitalité de la Table des Guillou : pain de campagne, confitures maison de saison, huile d’Olive de Provence, jus de rhubarbe et autres délices.

Katell Guillou a reçu la nouvelle de son macaron du Guide Michelin le jour de son anniversaire, le 15 décembre, par SMS d’un ami restaurateur: « J’étais surprise. Je croyais qu’il parlait de l’étoile pour le Toit pour toi. Je pensais même que c’était une blague.. ». Elle devait être présente dans l’espoir de recevoir pour la dixième année consécutive son étoile pour le Toit pour toi à la soirée de remise des étoiles du Guide Michelin à Gand, prévue pour novembre. Dû aux attentats de Paris, la cérémonie avait été reportée et elle ne pouvait être présente. « Je suis fière aussi, fière pour l’équipe de quatorze personnes. C’est une belle reconnaissance. Et c’est une pression supplémentaire, il ne faut plus qu’on la perde, » nous confie la titulaire du prix. L’inspecteur du Guide Michelin a précisé : « On vous décerne l’étoile au Michelin pour ce que vous avez fait et pas pour ce que vous allez faire ! »

« Pour moi, une étoile Michelin correspond au Baccalauréat. Il faut une certaine connaissance du métier, le travail avec rigueur, une salle agréable, une assiette bien chaude... Le macaron a aussi été décerné à une pizzeria avec des bons plats faits maison de la mamma italienne et à un petit bar de quartier,... » explique Katell Guillou. C’est le rapport qualité-prix et la qualité des produits qui rentrent en ligne de compte. La deuxième étoile correspondrait à une licence et la troisième à un doctorat. Pour sa part, elle a décidé d’arrêter le bac littéraire en cours d’année. « Nous étions en vacances au pays de la Loire. À l’époque mon père était chef au Saint Michel et mes parents tenaient un traiteur rue Philippe II. Lors d’une dégustation de Sancerre blanc, j’ai décidé de les informer de mon désir de me lancer dans la vie active avec eux. »

Katell est heureuse que ses parents l’aient fait tomber dans la potion magique et lui ont ainsi transmis leur passion. « Je suis fière d’avoir des parents comme eux. Ils m’ont mis sur une route bien balisée. » À la question si ses parents sont fiers de leurs enfants aussi : de leur fille aux commandes de deux établissements étoilés, et leur fils Erwan du Domaine de La Gaichel, elle répond en souriant : « Il faut leur demander à eux. Nous ne faisons pas trop de compliments dans la famille. Un regard suffit. »

« Notre métier est un métier de servitude, on donne beaucoup de soi. La seule façon de vraiment me détendre c’est en faisant du trekking et du bateau à voile où j’aime cuisiner ce que je pêche. On vit dans l’opulence toute l’année. Pour moi c’est une manière de me retrouver, de me ressourcer. » Elle prend ses vacances en été, trois semaines en août et deux en septembre lors des fermetures annuelles.

La patronne est aimable, souriante et hospitalière. Elle a prépare une petite dégustation de mise en bouche : Un velouté de cacahuètes en émulsion, léger, mousseux avec toute la panoplie du goût d’une délicieuse tartine aux beurre de cacahuètes; Un maki de lotte, frais, goûteux, et croustillant sous la dent, car enrobée délicatement de graines de pavot ; et un flan au parmesan, fin, onctueux et léger.

Comment ne pas tomber sous le charme de la légèreté et de l’élégance de la libellule gourmande !

Catherine Jost
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