Enseignement muscial

Où joue la musique ?

d'Lëtzebuerger Land du 12.06.2008

La loi de 1998 sur l’harmonisation de l’enseignement musical dans le secteur communal n’a, selon les Verts, pas porté ses fruits. Comme le pré­cisait le député Camille Gira dans son interpellation, hier au parlement: « Les problèmes de financement du conservatoire de la Nordstad sont un parfait exemple que l’État devrait ré­évaluer sa contribution aux établis­sements d’enseignement musical. » Il n’est pas le seul à le croire.

Depuis un an, le Conservatoire du Nord, financé majoritairement par les communes de Diekrich et d’Ettelbruck, manque de moyens. Ceci a bien sûr des répercussions sur les élèves du conservatoire, qui ont vu leurs frais d’inscriptions grimper depuis : Les résidents de Diekirch et d’Ettelbruck paient 180 euros par année, tandis que les non-résidents doivent payer 420 euros comme taxe supplémentaire. À partir de l’année prochaine, cette taxe sera de 550 euros. La part de l’État, fixée par la loi et ne couvrant qu’un tiers de la rémunération des enseignants, ne serait donc plus « proportionnelle » par rapport aux réalités d’aujour­d’hui, notait Gira. 

Mais, selon Paul Schmoetten, Commis­saire à l’enseignement musical auprès du ministère de la Culture, il n’est pas question de changer quoi que ce soit à la loi sur l’enseignement musical. Ce serait seulement à travers la réforme territoriale, maintenant en discussion, ou par un plan régional que le financement des établissements d’enseignement musical devrait être approché. Schmoetten remarque aussi que le Conservatoire du Nord est confronté à des problèmes distincts à cause de sa petite taille et qu’il est difficile de le comparer à ceux du Conservatoire de la Ville de Luxem­bourg. Ceci est en effet le cas, comme seulement 428 des 1 510 élèves, soit 28,5 pour cent, de l’établissement sont résidents des villes sœurs de la Nord­stad. Deuxièmement, pendant l’année scolaire 2006/2007, le conservatoire représentait 4,8 pour cent du budget annuel des villes de Diekirch et Ettelbruck, tandis qu’à Esch-sur-Alzette ce n’étaient que 2,7 pour cent et 1,8 pour cent à Luxembourg.

Or, Alex Bodry, député socialiste et maire de Dudelange, remarquait au Land : « Le problème du financement du Conservatoire du Nord n’est pas unique, mais peut aussi toucher d’autres communes. » Selon lui, il faudrait réexaminer le plafond pré­vu par la loi que l’État doit contribuer au budget des établissements mu­sicaux. Son collègue dans le groupe parlementaire de la LSAP, Jean-Pierre Klein, qui est aussi président du comité du Syvicol, propose même d’augmenter la part de l’État à un tiers du budget total des conserva­toires de musique, incluant ainsi les frais d’administration aux charges de l’État. Le maire de Steinsel estime, par ailleurs, que les compétences obligatoires des communes soient, elles aussi, mieux définies dans le futur. Il s’agirait de discuter avec les différents acteurs afin d’éviter que des communes profitent des services des autres sans participer aux frais. En d’autres termes, les différences entre le LSAP et les Verts ne sont pas si énormes dans ce point.

La position du DP sur ce financement est moins claire. Selon le député Fernand Etgen, le principal aspect qui doit être revu est l’enseignement musical de base, qui devrait être traité comme faisant partie de l’enseignement public. Interviewé par le Land, le maire de Feulen ne voulait pas se fixer sur la part de financement que devrait apporter l’État, mais estimait tout de même que les problèmes survenus au Conserva­toire du Nord sont partiellement dus à l’inertie du ministère de la Culture sur ce dossier. 

Le parti chrétien-social, par contre, prône un plus grand contrôle de l’État pour régler le problème. Le député du CSV Jean-Paul Schaaf réclame que le plafond d’investissement étatique soit tout simplement aboli et que les finances des établissements musicaux soient régulées plus directement par la main de l’État. Il remarque, cependant, que l’enseignement musical devra rester un domaine privilégié des communes. Puis, en demandant aux communes avoisinantes de payer le même pourcentage de la taxe de non-résident, les frais d’inscriptions pourraient être diminués considérablement. Les dé­putés de la LSAP et du DP ne proposent pas moins.

En tout cas, il semble donc qu’il existe un consensus chez la plupart des partis politiques que l’État assume ses responsabilités dans le financement des établissements d’enseignement musical. La voie pour une deuxième reforme, après celle de 2005, de la loi sur l’harmonisation de l’enseignement musical semble donc se confirmer, malgré les recommandations du ministère de la Culture de régler ce problème sur le plan régional. Or, ce dernier n’a pas entièrement tort de pointer dans cette direction-là. 

Si Camille Gira (Verts) faisait son interpellation cette semaine, elle venait au bon moment, parce la commission spéciale sur la  Réorganisation territoriale du Luxembourg va déposer son rapport jeudi prochain. Gira, qui est opposé à une plus grande présence de l’État dans les affaires des communes, avait déjà, il y a une année, (d’Land, 16.03.2007) indiqué que la meilleure façon de régler les problèmes de financement des communes serait de créer des syndicats communaux et de leur donner une « masse critique d’argent » pour les inciter à coopérer. En réglant le pro­blème du conservatoire du Nord par un coup de pouce financier de l’État, on pourrait se passer de fusions de communes et d’autres projets prévus par le CSV. Le modèle prôné par le député vert se pose en effet diamétralement à l’opposé de celui du ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Halsdorf (CSV), qui veut réduire les syndicats régionaux et renforcer la mainmise de l’État sur les établissements publics gérés par les communes. 

Finalement, si l’interpellation sur la loi sur l’harmonisation de l’enseignement musical a son importance particulière, il ne s’agit que du bal d’entrée de la longue danse politique que les partis entameront la semaine prochaine autour de la réforme territoriale. Un débat peut en cacher un autre.

David Goebbels
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